La démocratie

La civilisation occidentale possède-t-elle quelque singularité qui la distingue radicalement de toute autre ? Sébastien Asselbergs, Bruxelles

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En faisant commencer la civilisation occidentale au sein de la Grèce antique, nous découvrons, tel un fil rouge, un principe qui la faufile pendant plus de vingt-cinq siècles : le principe républicain. Autant il est constant dans l’aire occidentale, même s’il a connu de longues périodes de quasi-effacement, autant il est inexistant dans les autres sociétés de l’Eurasie, pour ne rien dire de celles qui se sont développées ailleurs.

Qu’est-ce donc que ce principe républicain qui s’identifie à la culture occidentale ? Face au règne universel de l’autocratie, la Grèce découvre, dès l’aube du viie siècle av. J.-C., une façon totalement neuve du vivre ensemble. Il serait abusif de parler de démocratie, mais bien d’un sentiment d’appartenance à une seule et même communauté, sentiment d’autant plus remarquable qu’à cette époque la lutte était vive entre une aristocratie qui défendait ses privilèges et les petits agriculteurs ou les artisans de la cité. Les premiers voulaient principalement conserver le droit de réduire en esclavage pour dettes les petits paysans qui dépendaient d’eux et ces derniers réclamaient la fin de cette menace permanente… et le partage des terres. La guerre civile menaçait. Finalement, les deux parties ont accepté qu’un législateur (Solon) tranche. Il le fit en prenant une attitude médiane. Elle fut acceptée de part et d’autre parce que le désir de vivre ensemble – la philia – prévalut (lire Jean-Pierre Vernant : Les Origines de la pensée grecque).

Cette philia signifie la volonté d’élaborer en commun les conditions de la vie collective. Lors même que parmi les habitants on ne trouve qu’une minorité qui est directement concernée, un principe nouveau s’impose. Collectivement, clairement, des gens, malgré leurs intérêts divergents, se mettent d’accord pour tenter de surmonter leurs querelles parce qu’ils ont le désir fort de vivre ensemble. Il ne s’agit pas d’oligarchie car ce groupe est formé par des individus aux origines et aux intérêts différents, voire opposés. Une certaine liberté d’expression est consacrée et le débat sanctionné par un vote. Malgré de longues périodes d’absence, malgré des époques où ce principe ne survivait que sous forme de trace, il n’a jamais complètement disparu. Certes, il ne faut pas faire de l’angélisme, ce mode d’organisation est toujours au bord de l’explosion, mais il s’est survécu û toujours moribond, toujours renaissant û jusqu’à nous. Son nom actuel : la démocratie.

Jean Nousse

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