» La crise pourrait déboucher sur une union budgétaire « 

L’euro n’est pas sorti de la zone rouge. La monnaie unique connaît une tempête sans précédent. Quelles pistes pour en sortir ? Voici l’analyse de Jean Pisani-Ferry, directeur du think tank Bruegel, basé à Bruxelles.

Le Vif/L’Express : L’accord du 21 juillet entre les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro pour éteindre la crise de l’euro n’a visiblement pas rassuré les marchés. José Manuel Barroso a lui-même déclaré que le nouveau fonds européen de stabilité financière était trop maigre…

Jean Pisani-Ferry : Je ne suis pas certain qu’augmenter le fonds de stabilité soit une solution. Si on le portait de 440 à 1 500 milliards d’euros, comme certains le prônent, resterait à savoir qui y contribuerait et à quelle hauteur ? Imaginez qu’il faille intervenir pour l’Espagne et l’Italie : dans ce cas, ces pays ne contribueraient plus au fonds et il resterait un groupe réduit de partenaires pour l’alimenter. Ce qui les fragiliserait.

Qu’est-ce qui se passerait si un pays comme la Grèce se trouvait en défaut de paiement ? Une faillite d’Etat entraînerait-elle forcément un cataclysme ?

Un Etat qui annonce ne plus servir sa dette, ce serait une catastrophe. Si on négocie avec les créanciers, comme on le fait actuellement pour la Grèce, en leur offrant des formules variées – titres à plus long terme, clauses de meilleure fortune – cela a certes des implications pour les banques, mais les pertes sont limitées. On évite le pire.

D’autres pays, comme le Portugal, l’Irlande, l’Espagne, l’Italie, sont sur le fil…

Si on considère le niveau de la dette publique et la capacité de lever des recettes par la fiscalité, la Grèce se trouve dans une situation beaucoup plus grave que tous les autres pays européens. Cela dit, on n’est pas certain que les autres pays parviendront à diminuer leur dette. L’Irlande et le Portugal restent des cas difficiles. Mais, aujourd’hui, on ne peut les comparer à la Grèce. On parie toujours sur leur solvabilité.

La Grèce pourrait-elle sortir provisoirement de la zone euro ?

Ce serait une solution a priori facile pour restaurer la compétitivité, puisque ce pays pourrait agir sur la dévaluation du taux de change. Mais cette idée est dangereuse, car toutes les dettes des Etats de la zone sont libellées en euros. En sortant de l’euro, la Grèce verrait sa dette exploser sous le poids de la dévaluation de sa monnaie. Autre risque : pour préserver la valeur de leurs dépôts, les épargnants grecs transféreraient ceux-ci dans les banques de la zone euro. Le système bancaire grec s’effondrerait. L’euro a été conçu dans le cadre d’un contrat fort : si on avait créé un système monétaire unique réversible, dont on peut sortir à sa guise, la valeur de l’euro aurait été très incertaine.

Il n’y a donc pas d’autres alternatives que la mutualisation des dettes entre Etats de la zone euro. Mais cela reste un tabou pour l’Allemagne…

Cela reste un tabou. Mais il y a d’autres alternatives. Le plan du 21 juillet ne comprend pas de mutualisation des dettes. La mutualisation, ce serait la conversion d’une partie des dettes en eurobonds. Si la situation devait s’aggraver, alors il faudrait considérer une solution de ce type. Mais cela aurait des implications considérables. On ne peut pas demander à un Etat de garantir les dettes d’un partenaire sans avoir un droit de regard sur sa politique budgétaire bien au-delà de ce qui se pratique actuellement.

N’est-ce pas cela la vraie solution ? Accélérer l’union budgétaire et fiscale pour pérenniser l’Union monétaire ?

Il est possible que la crise finisse par déboucher sur cette solution. Il faut être conscient que cela aurait des conséquences lourdes au niveau des compétences nationales. Si on passe à un système de responsabilité conjointe des dettes, cela ne peut se faire sans davantage de fédéralisme budgétaire. Il faut pouvoir l’assumer politiquement…

Est-ce envisageable ?

Il y a de plus en plus d’eurosceptiques, aujourd’hui. On constate donc une vraie contradiction entre la situation financière, qui pourrait nécessiter davantage de fédéralisme budgétaire si le plan européen du 21 juillet ne fonctionne pas, et la situation politique.

LIRE L’INTÉGRALITÉ DE L’INTERVIEW SUR WWW.LEVIF.BE

ENTRETIEN : THIERRY DENOËL

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire