Construction navale, télécoms, énergie, immobilier… De l’Asie à l’Afrique, du Moyen-Orient à l’Amérique latine, les industriels chinois grignotent les chasses gardées des grandes entreprises occidentales. Leur prochaine cible : les pays industrialisés
Avec un énorme lampion rouge et or suspendu au-dessus des eaux boueuses du Yangzi Jiang, une banderole d’idéogrammes chinois accrochée à la coque et des rubans multicolores jaillissant de ses hublots, le Ville de Bordeaux ressemblait à un gigantesque paquet-cadeau le jour de sa mise à l’eau, en juillet 2003. Le cargo, actuellement en finition dans une cale du chantier naval de Jinling, à Nankin, sera livré en France au printemps prochain. Il servira à transporter les pièces de l’A 380, le futur avion géant d’Airbus, entre Hambourg (Allemagne), Chester (Grande-Bretagne), Cadix (Espagne) et Saint-Nazaire, collectant ici un fuselage, là des ailes, là un empennage, là encore un cockpit, pour décharger l’avion en kit à Bordeaux.
Question de symbole, l’armateur français LDA (Louis-Dreyfus Armateurs) et son partenaire norvégien Leif Hoëgh, sélectionnés par Airbus pour la réalisation du navire, avaient d’abord songé à recourir à un chantier naval européenà Seulement voilà, les prix proposés dépassaient de 20 à 50 % leurs estimations. Trop cher ! Les deux armateurs ont décidé d’élargir l’appel d’offres aux constructeurs asiatiques. Et c’est le chinois Jinling Shipyard, de Nankin, qui a remporté le marché, pour 30 millions de dollars, quand les Européens en réclamaient près de 50. » C’est notre première expérience chinoise, et nous sommes agréablement surpris « , confie Gildas Maire, directeur administratif et financier de LDA. Au point que l’armateur français envisage déjà de retravailler avec la Chineà
Grève chinoise à Constantine
Construction navale, équipement téléphonique, forages pétroliers ou logements sociaux : cela fait deux ans que les industriels chinois sont partis à la chasse aux contrats. La tournée qu’entame ce 26 janvier le président chinois, Hu Jintao, dans quatre pays (France, Egypte, Gabon et Algérie) devrait les y aider. Après avoir produit jouets, tee-shirts ou soutiens-gorge, voici que les Chinois pénètrent dans la cour des grands. Déboulant sans complexe dans les chasses gardées de Siemens, Alcatel, Alstom, Bouygues et autres. Sautant de l’Inde au Nigeria, de l’Indonésie au Venezuela. Une ligne de métro en Iran, une route en Afghanistan ou un champ pétrolifère au Kazakhstanà les nouveaux mastodontes chinois franchissent leurs frontières. Et, un temps confinés aux pays en développement, ils convoitent aujourd’hui les marchés plus juteux d’Occident. La France, par exemple, où l’équipementier téléphonique Huawei a débarqué l’an dernier. En novembre, le géant de la télévision TCL s’adjuge les téléviseurs de Thomson pour partir à l’assaut des Etats-Unis : » La naissance de TCL-Thomson est une vraie bombe atomique, commente, abasourdi, un patron de l’indice boursier parisien, le CAC 40. Car c’est la première fois qu’un groupe chinois devient leader mondial par une opération de croissance externe. »
Etre n° 1 mondial, tous les industriels chinois en rêvent. Dans leur ligne de mire, le classement des 500 plus grandes entreprises mondiales réalisé par le magazine américain Fortune. Seulement 11 d’entre eux figuraient dans l’édition 2003. Combien en 2004 ? Le gouvernement, lui, parie sur une cinquantaine d’ici peu. Avec des prix bradés, une main-d’£uvre abondante et bon marché, une qualité de plus en plus reconnue, des liasses de dollars à dépenser, l’objectif est à portée de la main. Un quart de siècle après le début des réformes lancées par Deng Xiaoping, la longue marche des multinationales chinoises a bel et bien commencéà
Elle passe souvent par des contrées exotiques. Alger par exemple, et ses 2,5 millions d’habitants. Alger l’africaine, tête de pont d’un continent. C’est là, entre la casbah et la banlieue, que les Chinois ont ouvert les hostilités. Depuis deux ans, la China State Construction & Engineering Corporation (CSCEC) rafle la plupart des contrats immobiliers. Il est vrai que le n° 1 chinois des bâtiments et travaux publics est parfaitement rodé ; il importe de Chine sa main-d’£uvre, qu’il loge sur les chantiers, et travaille à une vitesse record. Même si, de temps en temps, la machine se grippe : lorsque l’épidémie de pneumonie atypique a bloqué l’immigration d’ouvriers chinois au printemps 2003, la CSCEC a dû faire appel à près de 5 000 travailleurs algériens pour remplacer les bras manquants. Un collectif de travailleurs chinois a même débrayé l’été dernier sur un chantier à Constantine, réclamant six mois d’arriérés de salairesà C’est le dur apprentissage des grands contrats ! Mais ceux-ci continuent à pleuvoir : entre la future aérogare d’Alger, des hôtels de luxe et le nouvel hôpital universitaire d’Oran, le nom du constructeur chinois est affiché dans toute l’Algérie. Même succès en Asie, à commencer par Hongkong, où il s’est imposé en quelques années comme le n° 1 de la construction. » Ils travaillent à prix coûtant, privilégiant une stratégie de croissance à une course aux profits « , constate un concurrent européen à Hongkong.
Pas étonnant, dès lors, que, dans le classement 2003 des 225 premières entreprises mondiales de travaux publics réalisé par la revue américaine Engineering News Record (ENR), 43 soient chinoises. Le premier de leurs atouts reste bien sûr leur compétitivité, due à une main-d’£uvre bon marché : » La paie d’un ingénieur des travaux publics varie entre 300 et 400 A par mois, soit une fraction du salaire d’un Européen « , remarque un spécialiste du bâtiment à Hongkong. » Ce très faible coût du travail constitue un avantage qui ne s’épuisera pas avant au moins vingt ans « , précise Arthur Kroeber, rédacteur en chef à Hongkong de la revue China Economic Quarterly.
Les sociétés chinoises ont également fait de grands progrès sur le plan technique : » Elles ont tiré le plus grand profit de leur partenariat avec des concurrents occidentaux dans le cadre des projets de la Banque mondiale « , analyse notre spécialiste. La Chine étant la première bénéficiaire de la manne de crédits distribuée par l’institution de Washington, ses industriels se sont fait la main en bâtissant barrages, autoroutes et voies ferrées dans leur pays, avec les conseils des meilleurs professionnels de la planète. Un savoir-faire qu’ils exportent aujourd’hui dans l’ensemble du tiers-mondeà
Echange chemin de fer contre huile de palme
Enfin, au Soudan, au Brésil ou en Algérie, Pékin sait jouer la carte politique pour soutenir ses industriels. Depuis deux ans, Pékin, conscient de la concurrence sauvage qui règne sur le marché local, veut inciter ses industriels à trouver des relais de croissance à l’étranger. D’autant que les investissements étrangers permettraient de réduire des réserves de change insolentes û elles ont franchi en octobre le seuil des 400 milliards de dollars û et d’atténuer ainsi les pressions en faveur d’une réévaluation de la devise chinoise. Ensuite, en prenant pied aux Etats-Unis ou ailleurs, les entrepreneurs chinois se mettent à l’abri de l’arme anti dumping, que Washington a tendance à dégainer très rapidement ces temps-ci.
Toutes ces bonnes raisons poussent Pékin à jouer les Séraphin Lampion pour ses entreprises. Par exemple, le gouvernement a créé au printemps 2003 une direction de la » promotion des investissements étrangers à l’extérieur « . Un nouveau » machin » bureaucratique ? Peut-être, mais, en attendant, les délégations commerciales sillonnent la planète. Expositions, missions étrangèresà la Chine fait sa pub à l’étranger : en octobre dernier, Huawei occupait le plus grand stand du Salon des télécoms à Genève. Fin novembre, une brochette de dignitaires chinois, dont 35 patrons d’entreprises publiques, débarquait à São Paulo. Entre deux verres de caipirinha, on a parlé d’un projet de 1,5 milliard de dollars pour une usine dans le nord-est du pays, qui serait contrôlée par Baosteel, n° 1 chinois de l’acier.
Les efforts du gouvernement, qui prévoit par exemple d’envoyer des spécialistes de la construction dans les ambassades, pour surveiller les appels d’offres, ne s’arrêtent pas là. Côté financement, Pékin conjugue générosité et imagination… La société China Railway Engineering Corp., candidate à un projet ferroviaire en Malaisie, a suggéré de se faire payer en huile de palme. En Indonésie, la Chine a accordé au gouvernement un prêt de 182 millions de dollars au mois d’octobre pour réaliser une centrale électrique sur l’île de Sumatra.
Plus généralement, les industriels chinois ne s’embarrassent guère de considérations éthiques et affectionnent particulièrement les pays aux réputations sulfureuses. En Birmanie, par exemple, sur les 15 entreprises étrangères ayant signé des contrats en 2002, 10 sont chinoises, selon le classement de la revue ENR. Au Soudan, les Chinois sont presque chez eux, trustant 13 des 15 premières places : dans ces conditions, Alstom peut s’estimer heureux d’avoir été sélectionné le 13 novembre 2003 pour réaliser un barrage hydraulique à Merowe, sur le Nil. Car, dans la course à ce contrat de 250 millions d’euros, qui va permettre de doubler la production d’électricité du pays, le français a rencontré sur sa route un concurrent venu de l’empire du Milieuà Les Chinois ne sont d’ailleurs pas repartis bredouilles, puisqu’ils avaient déjà empoché en juin 2003 le contrat de génie civil du barrage en questionà pour un montant de 650 millions de dollars !
Les géants chinois de la construction ne sont pas les seuls à partir à la conquête des marchés étrangers. Pour des raisons stratégiques, les majors chinoises du pétrole avancent elles aussi leurs pions û et surtout dégainent leur carnet de chèques û afin de sécuriser leurs approvisionnements. Cette politique se traduit par des prises de participation et des achats de réserves pétrolières en Azerbaïdjan, au Kazakhstan et au Soudan. En Indonésie, les Chinois ont investi en 2002 près de 3 milliards de dollars dans le secteur énergétique, devenant le premier producteur offshore de l’archipel. Depuis peu, la China National Petroleum Corporation (CNPC) et Sinopec lorgnent aussi l’Amérique latine. » Ces groupes disposent de filiales à Hongkong ou New York et tentent de s’imposer sur la scène internationale pour accéder à de nouvelles ressources « , explique Arthur Kroeber, du China Economic Quarterly.
Un porte-avions dans la rivière des Perles
Il n’est pas évident de se retrouver dans le maquis des groupes chinois, qui ont fréquemment recours à des sociétés-écrans pour investir à l’étranger. Ainsi, au printemps 2002, Rolly Co. rachète la moitié d’une société d’exploration pétrolière dans le sultanat d’Oman. Cette société obscure, enregistrée aux îles Vierges britanniques, est en réalité contrôlée par la China National Oil and Gas Exploration and Development Corporation (CNODC), filiale de la puissante CNPC. De même, en janvier 2003, lorsque Smart Achieve Developments prend des parts dans un champ pétrolier d’Azerbaïdjan, c’est encore la CNPC qui se dissimule derrière cette société, qui, à l’automne 2003, investira également près de 200 millions de dollars à proximité de la mer Caspienne, au Kazakhstan. Entre-temps, le n° 1 chinois (selon le classement de Forbes d’août 2003) a soufflé à l’anglo-américain Petrofac un contrat de raffinerie dans le sud de l’Algérie pour un montant de 350 millions de dollarsà
Les jeux de Meccano financier ne font que commencer. Jusqu’à présent, la Chine a surtout privilégié les investissements directs pour s’implanter à l’étranger : leur stock a quadruplé en dix ans, représentant 35,5 milliards en 2002, selon la Commission des Nations unies pour le commerce et le développement. Plus récemment, les entrepreneurs chinois ont découvert les vertus des fusions et acquisitions. Certes, les volumes réalisés en dehors de Chine sont encore dérisoires, mais ils s’envolent, dopés par les opérations pétrolières : 2 381 millions de dollars en 2002, au lieu de 767 deux ans plus tôt, selon les calculs de Thomson Financial pour Le Vif/L’Express.
Les Chinois, désormais, font leurs emplettes sur toute la planète, en passant généralement par des relais basés à Hongkong, plaque tournante financière. Le shanghaïen D’Long s’est ainsi offert en octobre 2000 la société américaine Murray, spécialiste des tondeuses à gazon, à l’époque mal en point. En peu de temps, la nouvelle direction a restructuré l’affaire, transférant en Chine une partie de la production, fermant deux des trois usines américaines et licenciant 650 ouvriers. En 2002, D’Long s’illustre à nouveau en rachetant cette foisà un porte-avions ukrainien. L’ancien flambeau de la flotte soviétique dans le Pacifique a été rapatrié dans la rivière des Perles et reconverti en un parc d’attractions nommé Shenzhen Minsk Aircraft Carrier World. Insatiable, D’Long a voulu racheter l’été dernier un projet d’avion allemand baptisé Fairchild Dornier, en faillite depuis le printemps 2002. Cette acquisition aurait permis à l’investisseur de mettre la main sur la technologie occidentale, mais la tentative a avorté à l’automne, les militaires chinois voyant d’un mauvais £il l’arrivée d’un concurrent potentielà
BOE Technology Group a été plus chanceux. Cette entreprise d’Etat installée à Pékin, spécialisée dans les composants de téléviseurs, en rachetant une filiale du groupe coréen Hynix au début de l’année dernière, s’est offert la technologie des écrans à cristaux liquidesà Toujours en Corée, l’entreprise publique chinoise Blue Star s’impose, le 16 décembre 2003, au terme d’une sélection sévère, comme le seul négociateur pour la reprise du constructeur automobile Ssang Yong. A peine connue, la nouvelle a suscité la colère des syndicats, qui ont appelé les 5 500 ouvriers de SsangYong à un arrêt de travail de deux heuresà
Au même moment, le producteur d’électricité Huaneng Power Group rachetait à l’américain InterGen sa filiale australienne en échange de 227 millions de dollars, signant la plus importante acquisition de l’année 2003 par un groupe chinoisà Publiques ou privées, les entreprises chinoises guettent les opportunités pour développer leurs parts de marché à l’étranger. Selon une étude réalisée en 2003 par le cabinet Roland Berger, les trois quarts des grandes entreprises chinoises reconnaissent avoir des projets d’expansion internationale. Ainsi, le fabricant de téléviseurs TCL, désireux de mettre un pied en Europe, avait déjà racheté l’allemand Schneider Electronic pour 8,2 millions d’euros en septembre 2002, avant d’épouser un an plus tard le français Thomson. China Netcom, deuxième opérateur téléphonique du pays, en rachetant en 2002 l’américain Asia Global Crossing, en faillite, pour 270 millions de dollars, a accédé à tout un réseau câblé sous-marin en Extrême-Orient. Quant à la société d’informations financières Xinhua Financial, basée à Hongkong mais contrôlée par Pékin, elle a étoffé sa couverture asiatique en reprenant en janvier 2003 les 12 bureaux d’AFX News, le service financier de l’AFP. Dans un premier temps, les Chinois ont limité leur prospection aux pays pauvres, mais, » depuis deux ou trois ans, ils s’intéressent en priorité aux pays industrialisés : Japon, Etats-Unis ou Europe « , constate Paul Gao, consultant chez McKinsey à Shanghai. » Pourquoi, si vous avez chez vous un marché de 1 milliard de consommateurs, aller vous embêter au Bangladesh ? » résume Arthur Kroeber. En clair, mieux vaut traquer la clientèle des pays riches, où les potentiels de ventes sont plus importants et les réseaux de distribution plus sophistiqués.
Les entreprises chinoises, ayant pris confiance en elles, multiplient les incursions en Europe ou aux Etats-Unis. Haier, le roi du réfrigérateur, originaire de Qingdao, a investi 40 millions de dollars dans une usine en Caroline du Sud. Producteur de téléviseurs, Konka envisage une implantation au Mexique pour vendre sur le marché nord-américain. Legend, n° 1 des ordinateurs en Chine, a créé sa marque Lenovo pour doper ses ventes internationales. » Il y a aussi quantité d’entreprises encore inconnues du grand public mais déjà très bien placées dans la compétition internationale « , ajoute François Godement, directeur à l’Institut français des relations internationales. China International Marine Containers (CIMC) détient par exemple 40 % du marché mondial des containers : le 22 septembre dernier, cet industriel a inauguré à Shenzhen une usine d’où sortiront 300 000 boîtes par an. Tout aussi anonyme, Galanz est le leader mondial des fours à micro-ondes : 4 fours sur 10 vendus dans le monde sortent de ses usines, pour le compte de grands noms de l’électroménager. Ceux-ci pourront trembler le jour où Galanz vendra ses micro-ondes sous ses propres couleursà
Il est bien fini, le temps où la qualité des produits chinois n’inspirait que des sarcasmes aux industriels occidentaux. Les récents contrats décrochés par l’équipementier Huawei témoignent des fantastiques progrès accomplis. » Au départ, nous ne les prenions pas au sérieux, raconte un client européen. Mais ils nous ont prêté gratuitement un équipement de fibre optique pendant trois mois pour que nous puissions le tester. Sans parler de leurs prix incomparables. » Des tarifs inférieurs de 30 à 50 % à ceux de leurs concurrents et des produits fiables : voilà bien des atouts majeurs. » Bien sûr, ils sont faibles sur la partie services, mais ça tombe bien, nous n’en avons pas besoin « , renchérit un client, très satisfait de la prestation de Huawei.
Guerre du téléphone en Afrique
Depuis, le chinois a ouvert des bureaux dans plusieurs pays européens. Chez Alcatel, le message est passé cinq sur cinq : » Ce sont des concurrents sérieux : on les surveille de près « , reconnaît Christian Grégoire, directeur de la recherche Asie-Pacifique, basé à Shanghai.
En attendant, la bataille a déjà commencé. En Inde, en Tunisie ou au Brésil, Huawei ne cesse d’engranger de nouveaux contrats et, selon ses propres estimations, ses ventes à l’international ont presque doublé en 2003, pour atteindre 1 milliard de dollarsà Pour résister à une telle percée, le français Alcatel a décidé de se battre avec les mêmes armes, en appelant à la rescousse sa filiale chinoise, où a été transférée une bonne partie de la recherche. C’est donc de plus en plus souvent Alcatel Shanghai Bell qui défend les couleurs du champion hexagonal dans les pays en développement. Sur le continent africain, par exemple, alors que Huawei marque des points au Nigeria, en Ouganda ou en Afrique du Sud, Alcatel Shanghai Bell a signé en août un contrat de 80 millions de dollars au Ghana.
Cette stratégie de » sinisation » se développe chez les industriels occidentaux, de plus en plus nombreux à se doter d’une base de production, mais aussi de recherche et de développement dans l’empire du Milieu. Alstom, par exemple, a passé un accord pour apprendre aux Chinois à fabriquer des méthaniers : » Pour nous, la solution consiste à être partenaires de groupes chinois à l’exportation « , explique Etienne Dé, responsable du réseau international d’Alstom.
Reste que ceux qui parient sur l’avènement très proche du premier Sony ou General Electric chinois vont être déçus. » En termes de taille, la première vraie multinationale chinoise n’existe pas encore « , relativise Hubert Bazin, avocat au bureau de Shanghai de Gide Loyrette Nouel. Le montant du chiffre d’affaires des géants de l’empire du Milieu les rapproche plus des grosses PME européennes que des géants mondiaux. Les ventes cumulées des 11 champions figurant dans le dernier classement de Fortune n’atteignent pas celles du n° 1 mondial, l’américain Wal-Mart.
En termes de techniques de vente, on en est encore aux balbutiements, comme le raconte cet interlocuteur européen de Huawei. » Leurs représentants s’expriment dans un anglais très approximatif. Ils débarquent avec des visas d’affaires valables uniquement trois mois. Résultat : j’ai eu 17 interlocuteurs pour mener à bien la négociation ! » Mais les Chinois apprennent vite. Alcatel était en 2002 six fois plus gros que Huawei. Un an plus tard, le chiffre d’affaires de l’équipementier chinois représente plus du quart de celui de son concurrent hexagonal. » Les groupes chinois sont handicapés par leur manque de références à l’international. Mais plus ils vont en gagner, plus ils seront considérés comme de vrais concurrents « , prévient un industriel européen. Et d’ajouter, sous le sceau de la confidence : » Vous savez, la qualité des équipements chinois est bonne, même très bonne. Souvent meilleure que celle des Coréens ! »
Eric Chol