» LA BELGIQUE DOIT SE DOTER D’UNE STRATÉGIE DE SÉCURITÉ NATIONALE « 

La Belgique a-t-elle pris la menace terroriste suffisamment au sérieux ? Peut-on parler d’échec sécuritaire ? Pour Joseph Henrotin, politologue belge chargé de recherches au Centre d’analyse et de prévision des risques internationaux (Capri), on ne peut parler de faillite.  » Le propre du terrorisme, c’est l’effet de surprise et le contournement des dispositifs de sécurité, explique-t-il. Il y a eu, depuis une vingtaine d’années, une inertie dans la prise de conscience politique du danger en Belgique. Mais il faut aussi constater que même les dispositifs les plus performants ne peuvent garantir une sécurité absolue.  »

Le Vif/L’Express : Que peut faire la Belgique pour se prémunir contre les attentats djihadistes ?

Joseph Henrotin : Il lui faut se doter d’une stratégie de sécurité nationale en bonne et due forme. A partir de là, elle peut être déclinée dans les champs économique, sécuritaire, de défense, diplomatique, de politique de proximité… et on peut isoler les besoins, dont certains sont bien réels. La complexité institutionnelle belge rend difficile la mise en place de cette stratégie : la seule application des recommandations sur les questions de résilience – en clair, la capacité à continuer à fonctionner en cas d’attaques prolongées – implique tous les niveaux de pouvoir. Le chantier est vaste et en terrain sablonneux !

Au vu de ces événements, le pays peut-il se permettre, dans les prochains jours ou les prochaines semaines, de rétrograder la menace au niveau d’alerte 3 ?

Méfions-nous des niveaux de sécurité. Qui dit  » niveau 4  » dit  » tenir dans le temps « , avec des répercussions sur l’économie, la fatigue des personnels de sécurité, leur incapacité à s’entraîner. Il faut vraiment sortir d’une logique où le risque terroriste est une  » exception « . C’est devenu un risque permanent. Ce n’est cependant pas une raison pour sombrer dans la paranoïa, ce qu’attend l’ennemi !

Ces attentats mettent-ils en lumière la nécessité de renforcer structurellement la présence, l’équipement et la formation des forces de l’ordre ?

Il y aura sans doute des réflexions à conduire dans le domaine de la stratégie opérationnelle, organisationnelle, déclaratoire, et dans celui des moyens. Je ne suis pas persuadé qu’il y ait un bon rapport coût-efficacité à déployer des militaires en rue. Ils ne sont pas policiers et n’en ont pas la marge de manoeuvre juridique. En revanche, l’idée d’une  » force de réaction rapide  » en appui d’autres services ou pour la protection d’infrastructures critiques me paraît davantage adaptée à leurs capacités.

Depuis que des djihadistes sont revenus de Syrie, vous avez laissé entendre que la Belgique n’échapperait pas à des actes terroristes. Pourquoi est-elle une cible ?

Toutes les populations et tous les Etats sont des cibles, depuis bien avant la guerre en Syrie, qui a cependant constitué un accélérateur en catalysant le phénomène djihadiste et en permettant de former les futurs combattants. Le djihadiste a des objectifs de court terme : sidérer, impacter l’économie. Et d’autres à long terme : imposer son idéologie.

Entretien : Olivier Rogeau et Christophe Leroy

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