KB Lux : la nouvelle bataille

La défense des quatorze inculpés a encore tenté de  » tuer  » l’ex-juge Leys et les preuves qui risquent de les accabler au procès d’appel. Discrètement, mais rudement.

Etonnant : le bras de fer entre les défenseurs du groupe KBC/KB Lux et Jean-Claude Leys, ancien juge bruxellois ayant instruit le dossier de ce groupe bancaire et entre-temps devenu avocat général à Mons, a repris ces dernières semaines. Avec autant de rudesse que de discrétion.

Il faut, pour en mesurer la portée, remonter au 21 octobre 2005. Du jamais-vu : ce vendredi-là, des cadres du groupe bancaire avaient déposé une plainte contre X qui, en pratique, visait surtout et avant tout Jean-Claude Leys. Le grief de la quinzaine d’avocats, emmenés par Michèle Hirsch et Adrien Masset, ayant effectué la démarche portait sur la destruction de pièces, un détournement, la violation du secret professionnel, un trafic d’influence et de la détention arbitraire, rien de moins ! En trame de fond, il s’agissait de miner le crédit de l’instruction réalisée par le magistrat sur cette affaire dite KB Lux (réputée avoir été, dans les années 1990, la plus grosse fraude fiscale jamais commise en Belgique, à raison d’environ 400 millions d’euros). Et de faire progresser la thèse de tout temps avancée par la banque, à savoir que les preuves retenues contre elle (entre autres des microfiches emportées en février 1994 par d’indélicats collaborateurs) n’étaient pas valides, car arrivées au dossier de façon illégale.

Privilège de juridiction et procédure particulière : une telle plainte ne pouvait être déposée que chez le ministre de la Justice, alors Laurette Onkelinx (PS). Après réflexion, celle-ci avait adressé la chose à la Cour de cassation, dont le conseiller Frédéric Close avait mené une enquête particulièrement minutieuse. Dame ! Si un magistrat  » ripou  » se cachait dans le corps judiciaire, il se devait de l’en extirper… Mais, au final, son travail et ses nombreuses vérifications aboutissaient à ce que le ministère public requière un non-lieu pur et simple en faveur de Jean-Claude Leys. Et, le 27 juin 2007, la Cour de cassation avait effectivement blanchi le magistrat.

Nouveau brûlot

On croyait cette guerre directe achevée, après le procès correctionnel (avec jugement de décembre 2009 tout à fait favorable à la position de la KBC/KB Lux) et dans l’attente de celui d’appel (à ouvrir le 16 septembre prochain). Mais Le Vif/L’Express a appris que, courant avril, les avocats des quatorze  » banquiers  » inculpés ont engagé une deuxième bataille en écrivant à nouveau au ministre de la Justice, cette fois Stefaan De Clerck (CD&V).

Pour faire bref, il s’agissait de lui exposer une plainte complémentaire (techniquement, une demande de réouverture du  » dossier Leys « , sur la base d’éléments à sa charge et annoncés comme neufs). Et d’obtenir, qui sait ?, un report du procès d’appel, afin d’instruire derechef ledit dossier.

Dès lors, le ministre a rapidement transmis le nouveau brûlot au parquet général de Bruxelles et à celui de cassation. Vers la mi-mai, le premier a fait savoir à peu près ceci à Stefaan De Clerck, avec copie à la Cour de cassation : qu’il n’était pas le destinataire naturel de la plainte et qu’il mènerait le procès d’appel en septembre 2010 comme prévu. Traduction : pas question d’accepter de courir pour si peu à la prescription, à échoir en 2011 – éventualité qui, accessoirement, aurait bien servi les inculpés.

Quant au procureur général de la Cour de cassation, Jean-François Leclercq, il a, après examen des pièces apportées par les avocats, fait savoir au ministre que  » rien dans celles-ci n’est de nature à prendre une initiative en vue de changer la décision de 2007 « , nous a confirmé Damien Vandermeersch, avocat général et porte-parole de cette très haute instance.

Coup dans l’eau, donc, pour les inculpés, mais qui met en lumière une opiniâtreté rarement rencontrée dans un dossier judiciaire.

ROLAND PLANCHAR

une opiniâtreté rarement rencontrée dans un dossier judiciaire

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