Jugnot connaît la musique

Pion et professeur de chant pour enfants difficiles dans Les Choristes, l’acteur brille à incarner des Français ordinaires, placés dans des circonstances exceptionnelles

(1) Signées Bruno Coulais (sortie en CD chez Wea Music)

Nul autre que Gérard Jugnot ne semble aujourd’hui capable de jouer les Français moyens, des êtres à l’existence banale et à la personnalité présumée sans relief, qu’il choisit de placer dans ce qu’il appelle lui-même  » des circonstances exceptionnelles où ils révéleront quelque qualité a priori insoupçonnable « . Du policier sensible de Pinot simple flic (1984) à l’épicier sauvant des enfants juifs durant l’Occupation de Monsieur Batignole (2002), la galerie de caractères est aussi cohérente que marquée d’une grande sincérité.  » Les films marchent ou ne marchent pas, commente le comédien, mais je continue à faire ce que je sais faire, et ce que j’aime faire, c’est-à-dire interpréter des personnages inscrits dans la réalité, auxquels on ne s’identifie pas pour leurs qualités héroïques mais parce qu’ils nous sont proches.  »

Les Choristes offre une nouvelle preuve de cette  » ligne  » tracée avec humour et générosité par celui qui débuta dans la bande du Splendid (avec Josiane Balasko, Thierry Lhermitte et Michel Blanc) et se partage aujourd’hui entre ses propres réalisations et les films des autres. C’est Christophe Baratier, jeune producteur ayant collaboré avec Jacques Perrin sur plusieurs succès, dont Microcosmos et Le Peuple migrateur, qui l’a entraîné dans son premier long-métrage. Guitariste de formation classique, Baratier voulait tourner une nouvelle version d’un film de 1945, La Cage aux rossignols, où Noël-Noël incarnait un surveillant cherchant dans la musique matière à élever les enfants réputés difficiles d’un sévère internat.  » J’ai une admiration sans borne pour Noël-Noël, que plus personne ne connaît aujourd’hui, mais qui fut une vraie vedette populaire à l’époque, explique un Jugnot qui ne se fit guère prier pour endosser le costume de Clément Mathieu, le  » pion  » des Choristes.  » J’avais juste un peu û et même beaucoup û peur que les scènes musicales se révèlent difficiles à faire fonctionner, se souvient-il. Elles m’embarrassaient d’avance parce que je n’ai aucune formation en la matière. Or il se révèle qu’elles marchent à merveille, qu’elles sont crédibles et touchantes. Comme quoi Christophe avait totalement raison…  »

 » T’es nul !  »

 » Hormis Jean-Baptiste Maunier, qui joue Morhange, le seul des gamins à être naturellement doté d’une vraie voix, tous les autres enfants étaient comme moi : loin de pouvoir tout faire en direct, explique Gérard Jugnot. Alors ils ont chanté, et moi je dirigeais, en play-back, sur une musique préenregistrée. L’aspect ludique des choses en était heureusement renforcé, mais mes petits chanteurs progressaient en même temps, et le résultat en vrai n’était pas si mauvais, à la fin…  »

On ne verra pas l’acteur discuter les vertus du travail en groupe ou la présence en chacun d’un talent qui ne demande qu’à s’exprimer… pour autant qu’on lui en laisse la possibilité.  » Un enfant totalement dépourvu de talent, ça n’existe pas !  » clame celui auquel certains de ses professeurs à l’école répétèrent trop souvent qu’il était  » nul « , au point de presque le lui faire croire,  » jusqu’au jour où je me suis aperçu que j’étais capable de faire rire les gens, que j’avais un talent de comédien en herbe « . Et Jugnot d’insister sur le rôle des enseignants et des parents dans cette valorisation de ce que les enfants peuvent avoir de mieux en eux. Une attitude qui se retrouve entièrement dans la pratique du cinéma par un acteur choisissant, rôle après rôle, de célébrer les grandeurs cachées des petits, des sans-grade, des anonymes comme le  » pion  » des Choristes, musicien inconnu dont les compositions (1), interprétées seulement l’espace d’une année scolaire par des gamins réprouvés, sauront émouvoir bien des spectateurs.

L.D.

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