Docteure Anne Kornreich, laboratoire de biologie clinique au Grand Hôpital de Charleroi. © DR

 » Il reste des zones d’ombre « 

La docteure Anne Kornreich dirige le laboratoire de biologie clinique au Grand Hôpital de Charleroi. Il faut, dit-elle, réguler la demande des tests par rapport à l’offre disponible.

Avec vos collègues des autres labos de biologie, pourrez-vous faire face à la deuxième vague de Covid-19 ou y aura-t-il pénurie ? A Anvers et Bruxelles, l’offre ne suit pas la demande.

Nous ne sommes pas du tout en pénurie actuellement. Vendredi 31 juillet, lors d’une réunion avec Sciensano, les labos ont fait le compte de leur capacité maximale actuelle, soit 15 000 tests par jour. Cela, si aucune machine ne tombe en panne, que nous trouvons assez de technologues de laboratoire agréés et que nos commandes de réactifs et de consommables sont honorées à temps. Depuis le mois dernier, c’est ce réseau qui réalise l’essentiel des analyses dans notre pays ; la plateforme des firmes pharmaceutiques avait un contrat qui se terminait fin juillet. Le réseau des labos de biologie clinique devient la première ligne.

Au contraire de ce qui se passait depuis mars…

Et qui nous avait tous fâchés. On donnait des moyens techniques et financiers à des sociétés dont ce n’était pas le core business et on nous laissait sur le côté, alors que c’est l’essence même de notre métier. On leur procurait des écouvillons par milliers quand nous n’en avions plus. Notre souci principal, c’est la bonne prise en charge de nos patients – donc, de donner très vite les résultats de ces tests – pour pouvoir les orienter au mieux et protéger les soignants et la population. Pour y parvenir, l’ensemble des labos va hausser sa capacité à 55 000 tests/jour, avec une possibilité à 70 000. Cela nécessite davantage de machines, de réactifs et de consommables. Nous devons constituer une réserve stratégique pour assurer 100 jours de tests. Mes fournisseurs me disent déjà qu’ils pourront livrer peut-être en octobre, peut-être plus tard. C’est un marché mondial. Il faut aussi pouvoir recruter. Chaque écouvillon prélevé doit être encodé, de même que tous les résultats générés avant d’être transmis aux prescripteurs.

Tout cela est automatisé ?

Pas du tout. Lors de la première vague, nous avons été pris de court. Nous avons acquis des automates dans l’urgence et envoyé notre surplus d’analyses vers d’autres laboratoires avec lesquels nous n’avions pas de communication informatique. Les résultats de ces analyses nous sont communiqués par fax ou e-mails sécurisés, et tout doit être encodé manuellement. C’est un immense chantier, il est en cours. Peut-être la pandémie va-t-elle aboutir au moins à ce progrès-là. Chaque labo pourra communiquer avec les autres labos via sa propre e-healthbox distincte de celle de l’hôpital.

On ne traite toujours pas les asymptomatiques. Or, ils pourraient être dix fois plus nombreux que les symptomatiques.

Depuis le 16 juillet, on peut tester les asymptomatiques qui reviennent des zones rouges ou orange, ou en cas de suspicion d’un cluster nocosomial. Et il y a ceux qui reçoivent un code via le contact tracing, quand on identifie qu’ils représentent un cas possible. La prescription n’est plus nécessaire dans ces cas-là.

Vous êtes donc préparés pour cette éventuelle deuxième vague ?

Autant que possible. Il reste des zones d’ombre. L’Inami rembourse un peu moins de 50 euros par test, mais pour cela, il faut employer des technologues de labo agréés. Cependant, un arrêté permet d’employer d’autres personnes, comme des étudiants en médecine. C’est encore deux poids deux mesures. On fait l’analyse pour des gens qui partent pour des pays exigeant l’attestation. Ils la reçoivent parfois plus vite que des malades suspects aux urgences dont on attend les résultats pour les orienter dans les unités adéquates. Cela ne va pas, il faut réguler la demande des tests par rapport à l’offre disponible qui, même si elle a bien augmenté, reste limitée. Les autorités devraient fixer les priorités pour rentabiliser au mieux les ressources tout en conservant notre capacité de réponse à la résurgence de l’épidémie.

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