Bernard De Vos, délégué général aux droits de l'enfant. © BELGAIMAGE

« Il faut laisser plus de marge pour la sexualité des ados entre eux. »

Pour Bernard De Vos, délégué général aux droits de l’enfant, permettre désormais à des adolescents du même âge d’avoir des relations sexuelles consenties entre eux, dès 14 ans, sans que cela ne soit considéré comme un crime est une avancée positive.

Le projet de loi ne modifie pas la majorité sexuelle mais la légalité des rapports entre 14 et 16 ans. Actuellement, même si ceux-ci sont consentis, ils sont passibles d’être reconnus comme attentat à la pudeur. Etes-vous favorable à cette réforme?

Je suis assez en accord avec le fait de permettre aux enfants d’avoir des relations sexuelles entre eux sans que cela ne tombe sous le coup de la loi. C’est aussi une bonne chose que le débat puisse se tenir au sein du parlement, organe représentatif de la société.

Ce texte estime, par contre, que si l’un des deux jeunes a plus de deux ans d’écart avec l’autre, ça sera considéré comme un viol. Deux ans: une différence d’âge réaliste?

Deux ans, cela me semble relativement cohérent. Mais je n’ai jamais donné de plages d’âge précises et je n’ai pas envie de décider. Le Parlement va se saisir de la question, on verra la proposition finale. Il est important que des enfants à partir de 14 ans puissent avoir des relations sexuelles entre eux, en évitant que cela laisse des espaces pour les pervers. Il faut des règles claires pour empêcher que les enfants puissent être la proie de profs de gym, d’oncles, etc. Or, à ce niveau-là, rien ne change: le texte continue de stipuler qu’un mineur ne peut jamais exprimer librement son consentement si l’auteur est un parent ou occupe une position de confiance, d’autorité ou d’influence.

Il est important que des enfants à partir de 14 ans puissent avoir des relations sexuelles entre eux, en évitant que cela laisse des espaces pour les pervers.

Certains sont opposés à toute modification en lien avec l’âge de la majorité sexuelle. Pourquoi?

Effectivement, notamment beaucoup de psychologues et de psychiatres – qui, à mon avis, sont peu au courant des situations réelles vécues par les adolescents. Ils affirment notamment que, pour beaucoup de jeunes filles, cela reste une manière de se préserver d’une relation sexuelle non consentie, en disant au garçon « non, car ce n’est pas légal ». J’y crois relativement peu.

Les jeunes sont-ils seulement au courant de l’âge de la majorité sexuelle?

Justement. Ces psys travaillent sans doute dans des centres de santé de quartiers privilégiés. C’est un secret de polichinelle: l’Evras (NDLR: éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle) est davantage dispensé dans l’enseignement général que dans le technique et le professionnel. C’est pourquoi j’estime qu’il faut associer ces débats à une importante insistance sur l’Evras, qui existe mais qui, en termes de critères de qualité, a encore une longueur de retard par rapport à ce qu’on devrait pouvoir proposer aux enfants. La méconnaissance actuelle est caractéristique de notre incapacité à travailler de manière préventive.

Pour dépassionner les débats, ne faut-il pas rappeler que ce projet de loi ne vise pas à déterminer à partir de quel âge les enfants peuvent avoir des relations sexuelles, mais dans quel contexte celles-ci deviennent des infractions?

Effectivement. Mais les deux aspects doivent être envisagés avec le même sérieux. J’ai rencontré beaucoup d’adolescents qui avaient entretenu des relations sexuelles avant leurs 16 ans et qui ont traîné un sentiment de « mal », d’interdit…

Une relation sexuelle consentie entre 14 et 16 ans avec une personne plus âgée est aujourd’hui qualifiée d’attentat à la pudeur. Si le texte de loi est adopté en l’état, il s’agira d’un viol si le partenaire a plus de deux ans d’écart. Cela ne risque-t-il pas d’alimenter un tel sentiment?

Cela reste un terme très fort. Je pense qu’un débat plus large est souhaitable. J’ai voulu laisser entendre qu’il y avait d’autres manières de faire. Un: je regrette qu’une même loi régisse les relations sexuelles entre adolescents et celles dues à de gros pervers. Deux: il faut que, quand l’adulte a autorité, le texte reste bétonné. Trois: il importe de laisser plus de marge de manoeuvre aux adolescents entre eux.

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