Hypothèses

L’Ombre et le Masque, par Alain Germoz. Archipel édition, 96 p.

lors que paraît la 20e livraison des cahiers littéraires

, les amis de son fondateur, Alain Germoz, lui consacrent un n° bis (qui inaugure aussi

, où seront désormais publiés des numéros consacrés à un seul auteur). C’était bien son tour, et le cadeau ainsi fait à cet intrépide chercheur de trésors de la littérature internationale n’est pas volé.

Dramaturge, chroniqueur culturel, poète, nouvelliste, ciseleur d’aphorismes, l’écrivain anversois francophone Alain Germoz est un de ces hommes pour qui l’écriture relève nécessairement de la plus haute honnêteté envers soi-même et envers la vie. C’est dire qu’il cultive – en plus d’une rare discrétion – toutes les richesses qui procèdent du doute, du scepticisme, de la contradiction et, au total, d’une liberté d’esprit si inconditionnelle qu’elle met sans cesse à l’épreuve sa propre pensée et sa propre identité ( » Les convaincus m’ennuient autant qu’un mur d’usine  » ou encore  » Quand je m’écoute parler, j’ai envie de me contredire « ). L’Ombre et le Masque – l’ensemble de récits, poèmes, dessins, aphorismes, etc. réunis dans ce livre au titre révélateur – témoigne amplement de ce  » Je est un autre  » et du duel permanent entre l’être et son double, ou plutôt entre le reflet du moi pensant et agissant et celui du moi pensé et agi. Jeu de miroirs existentiel qui exacerbe le besoin à la fois hautain et angoissé de dire pour tenter de s’en échapper. Mais qui donc est celui qui s’en échapperait ainsi ? ( » Car tout homme n’est qu’une hypothèse « ). Des récits comme L’Intrus ou L’Insaisissable évoquent admirablement cette empoignade identitaire, avec les belles ruses du réalisme magique, dans une langue d’une magistrale simplicité et sans le moindre recours aux pédanteries philosophiques. Germoz n’a rien du pète-sec pontifiant et sa répugnance pour le convenu et pour les jeux de société (au sens le plus extensif) se fortifie d’humour finement piégé comme, par exemple, dans Le Gonfalonier (représentant rare de  » l’Ordre des Tapinois « ).

On lui sait gré, aussi, d’une Apologie de Caïn qui devrait mettre le Créateur dans ses petits souliers. Quant aux Scromphales (ne torturez pas vos dictionnaires) – dessins vaguement anthropomorphes, nés des hasards de la plume germozien- ne -, l’émouvant  » besoin d’exister  » de ces semblants d’êtres à la fois aléatoires et incontestables les investit, au-delà de la beauté formelle, de tous les doutes de l’homme. Eux aussi, des hypothèses, en somme.

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