La prolongation de contrat de Hamilton chez Mercedes n’était finalement qu’un leurre... © mercedes-benz

Hamilton chez Ferrari: les coulisses du transfert du siècle

A l’aube de la saison 2024, on ne parle déjà que de celle de 2025 et de l’arrivée de Lewis Hamilton chez Ferrari. Analyse du plus gros transfert de l’histoire de la F1.

Sur les circuits de Formule 1, les transferts des plus grands champions se déclinent souvent au superlatif. Parfois à tort. Cette fois, ceux qui emploient de grands mots ont raison. On peut écrire sans trembler que le transfert de Lewis Hamilton chez Ferrari, l’an prochain, sera le plus marquant de l’histoire de la discipline. Parce que le pilote au palmarès le plus fourni (sept titres mondiaux et 103 victoires en Grand Prix) rejoint l’écurie la plus titrée et la plus légendaire de l’histoire de la F1. Un phénomène qui ne s’était plus produit depuis 1956, quand l’Argentin Juan Manuel Fangio avait fait de même. La différence: le championnat le plus prestigieux de monoplaces n’existait alors que depuis six ans.

L’investissement de Ferrari est important pour un pilote bientôt quadragénaire.

Au cours des sept décennies qui ont suivi, de nombreux autres (ex-)champions du monde ont changé d’équipe: Alain Prost de McLaren à Ferrari (1990), Ayrton Senna de McLaren à Williams (1994), Michael Schumacher de Benetton à Ferrari (1996), Fernando Alonso de Renault à McLaren (2007), Sebastian Vettel de Red Bull à Ferrari (2015) et Lewis Hamilton lui-même, de McLaren à Mercedes (2013). Cependant, aucun transfert ne peut égaler celui d’Hamilton chez Ferrari. Surtout si l’on tient compte de sa longue histoire avec l’écurie allemande, avec laquelle il a remporté six titres mondiaux et 82 victoires en GP. Hamilton avait d’ailleurs prolongé son contrat chez Mercedes à la fin du mois d’août dernier, jusqu’en 2024 et avec une option pour 2025. Le tout pour un salaire annuel de plus de cinquante millions d’euros (sans les primes). A l’époque, le Britannique de 39 ans avait affirmé qu’il «ne préférerait pas être ailleurs qu’au sein de cette équipe fantastique» et qu’il resterait chez Mercedes jusqu’à ses «derniers jours de pilote de F1». Il a également souligné sa relation très particulière avec le patron de l’écurie, Toto Wolff.

Ce n’était qu’un leurre, car les négociations duraient depuis longtemps. En effet, Hamilton voulait au moins un contrat de trois ans et continuer à travailler chez Mercedes après sa retraite et jusqu’en 2035, comme ambassadeur, toujours très bien payé. Les crispations étaient de la partie, mais le Britannique a fini par signer tout en se laissant une porte de sortie grâce à cette option pour l’année 2025.

Les rumeurs selon lesquelles le pilote quitterait Mercedes en 2024 ont donc été reléguées au second plan. En mai, avant le Grand Prix de Monaco, le journal The Mail avait déjà fait état de l’intérêt de Ferrari et de son PDG, John Elkann. Hamilton avait alors rejeté cette information, niant tout rapprochement entre lui et Ferrari lors d’une conférence de presse.

Une voiture qui fâche Hamilton

Mais Elkann n’a pas abandonné. D’autant plus que Hamilton cachait de moins en moins son mécontentement à l’égard de la F1 peu performante de Mercedes. En 2022, il n’a pas réussi à remporter une seule victoire en GP pour la première fois de sa carrière, et le compte est resté à zéro en 2023 également. Mercedes n’a pas réussi à trouver la clé des nouvelles règles introduites il y a deux saisons, permettant aux voitures de suivre plus facilement le sillage du bolide qui les précède grâce à l’effet de sol.

Après une neuvième place décevante lors du dernier Grand Prix de 2023, trois mois à peine après sa prolongation de son contrat, Hamilton a prédit que le champion du monde Max Verstappen et son écurie Red Bull n’auraient aucun mal à poursuivre leur règne en 2024. Plus tôt, il avait déclaré que la voiture W14 de Mercedes était un «cauchemar à conduire». Le directeur technique, James Allison, a souligné que le nouveau bolide W15, pour la saison 2024, n’aurait pas les «caractéristiques détestables» de son prédécesseur, mais la patience de Hamilton était à bout. S’il avait cru que Mercedes pouvait encore renverser la vapeur d’ici à 2025, il n’aurait jamais quitté le navire, dit-on au sein du paddock.

En attirant Hamilton chez Ferrari, son patron, John Elkann, attend un retour financier élevé.
En attirant Hamilton chez Ferrari, son patron, John Elkann, attend un retour financier élevé. © getty images

Le Britannique l’a fait, en partie parce que cela lui a permis de réaliser un rêve discret: piloter pour Ferrari. La Scuderia est la seule équipe à avoir participé à toutes les saisons de F1 depuis 1950 et possède toujours une aura mythique. Dès les débuts de Hamilton en F1 en 2007, son père et manager Anthony avait dit que son fils courrait un jour pour l’écurie italienne. Tout comme Ayrton Senna, la grande idole de Hamilton, avait l’intention de le faire en 1995, jusqu’à ce qu’un accident mortel brise son rêve. Hamilton connaît particulièrement bien l’histoire de la F1 et a toujours été amoureux de la mythique Ferrari rouge. Sa collection privée de voitures de sport comprend une LaFerrari et une Ferrari 599 SA Aperta.

Hamilton a, par ailleurs, un autre lien avec l’écurie italienne. Quelques années avant ses débuts en Formule 1, le pilote a travaillé en F3 et en GP2 avec Frédéric Vasseur, devenu directeur de l’écurie Ferrari en 2023. Vasseur a joué un rôle important dans le développement de Hamilton en tant que jeune talent de premier plan. Depuis, selon l’ingénieur français, ils se téléphonent presque toutes les semaines. Pourtant, c’est surtout John Elkann, PDG de Ferrari et petit-fils du défunt patron de Fiat, Gianni Agnelli, qui a favorisé le transfert de Hamilton. A se côtoyer aux abords du paddock, les deux hommes sont devenus très proches au fil des saisons, et ce lien s’est avéré utile pour relancer les négociations malgré le refus initial du septuple champion du monde dans les derniers mois de 2023.

De meilleures chances sportives

Cette fois-ci, Hamilton a changé d’avis, bien que Ferrari n’ait pas vraiment fait mieux que Mercedes la saison dernière. La Scuderia a remporté un Grand Prix avec Carlos Sainz, mais a terminé troisième au classement des constructeurs, à trois points de l’écurie allemande. Pourtant, Hamilton est convaincu que la Ferrari 2025 pourrait lui offrir de meilleures chances de remporter un huitième titre mondial que Mercedes. Et s’il échoue cette saison-là, ce sera pour 2026, lorsque les règles de la F1 seront radicalement réformées, avec des moteurs et des carburants plus durables. Les experts estiment que c’est à ce moment-là que Red Bull devra probablement céder au moins une partie de sa domination. En outre, l’arrivée d’une mégastar comme Hamilton devrait aider Ferrari à attirer davantage d’ingénieurs et de mécaniciens de haut niveau, susceptibles d’améliorer la voiture. Grâce à ses vastes connaissances, Hamilton peut d’ailleurs également y contribuer.

Néanmoins, la pression des tifosi et de la presse italienne sera immense, bien plus que ce que le Britannique a connu en 17 saisons de Formule 1. Il devra mettre fin à la plus longue période sans titre mondial de l’histoire de Ferrari. Le dernier remonte à 2007, lorsque Kimi Räikkönen avait devancé Lewis Hamilton, alors âgé de 22 ans, au classement final au terme d’un Grand Prix ébouriffant au Brésil.

Bien que Hamilton ait entretenu son corps à la perfection et qu’il soit en excellente condition physique, il aura passé le cap des 40 ans lorsqu’il prendra place pour la première fois dans le baquet d’une Ferrari en 2025. Il pourra bien sûr compenser son âge par sa vaste expérience du pilotage. A cet égard, hormis Fernando Alonso, il reste le seul à pouvoir regarder le champion du monde en titre, Max Verstappen, dans les yeux.

Pourtant, l’arrivée de Hamilton n’est pas une garantie de succès pour Ferrari. De tous les champions du monde attirés par l’écurie, un seul est parvenu à remporter la couronne de F1 avec les Italiens: Michael Schumacher. Les deux derniers, Fernando Alonso et Sebastian Vettel, ont quitté la Scuderia sans titre et sans grand souvenir dans le rétroviseur. La voiture reste décisive à 80% en Formule 1, et sans voiture performante, Hamilton ne pourra pas non plus faire de miracle. De plus, avec Charles Leclerc, il aura affaire à un coéquipier très ambitieux et très apprécié des tifosi. Cinq jours seulement avant le transfert du Britannique, Ferrari a annoncé que le Français de 26 ans avait signé jusqu’en 2029, pour un salaire annuel de trente millions d’euros. Remarquable, car le modus operandi de Ferrari dans le passé a toujours été celui d’un leader et d’un serviteur. Leclerc devra donc vraisemblablement se retrouver dans un rôle subalterne en 2025. D’un autre côté, il peut aussi apprendre beaucoup de Hamilton, si les deux y sont ouverts

Leclerc, Vasseur, Hamilton, le futur trio gagnant de la Scuderia?
Leclerc, Vasseur, Hamilton, le futur trio gagnant de la Scuderia? © getty images

Hamilton aura le plus gros salaire de tous les temps

Néanmoins, les tensions semblent inévitables car en F1, le pilote le mieux payé est toujours considéré comme le numéro un. C’est généralement lui qui a le plus de poids dans la mise au point technique de la voiture. C’est le cas de Hamilton, qui deviendra même le pilote le mieux payé de l’histoire de la Formule 1. Il gagnera quatre-vingt millions d’euros d’ici à 2025, dont vingt seront versés à sa fondation pour la jeunesse, Mission 44, sous forme de primes. Hamilton a également négocié une option pour 2026. En outre, John Elkann créera avec le Britannique un fonds d’investissement commun de quelque 250 millions d’euros par l’intermédiaire de son entreprise familiale Exor, dont Hamilton sera l’ambassadeur. Outre les perspectives sportives potentiellement meilleures et la magie rouge de Ferrari, l’argent a donc également joué un rôle dans sa décision.

Un investissement très lourd pour la marque, qui compte aussi sur un retour financier élevé. C’est ce qui s’est passé dès le premier jour suivant l’annonce du transfert, lorsque les actions de la société ont augmenté de 11% à la Bourse de New York. L’attrait mondial d’une mégavedette comme Hamilton devrait également donner plus de puissance au merchandising de Ferrari, attirer davantage encore de bailleurs de fonds (y compris dans le portefeuille de sponsors de Hamilton) et augmenter la valeur globale de l’équipe. Sur les réseaux sociaux, le Britannique a même une plus grande portée que l’écurie italienne, ainsi que la marque Ferrari: 36,3 millions de followers sur Instagram contre, respectivement, 13,7 et 28,9 millions. Les deux parties se renforceront donc mutuellement, à moins que la nouvelle aventure de Hamilton ne se transforme en fiasco sportif. Toutefois, s’il peut offrir à Ferrari une nouvelle couronne – la première depuis 2007 – et remporter lui-même un huitième titre, il pourra alors revendiquer un peu plus encore le statut de «plus grand pilote de F1 de tous les temps».

Quoi qu’il en soit, les créateurs de la série Drive to Survive, diffusée sur Netflix, auront débouché le champagne à l’annonce du transfert. Ils auront droit à une nouvelle intrigue de rêve, en commençant par les coulisses probablement mouvementées de la dernière saison de Lewis Hamilton chez Mercedes, en 2024. La plus grande gagnante, dans toute cette histoire, pourrait être la Formule 1 elle-même. La domination sans partage de Max Verstappen et de son écurie Red Bull n’était pas le scénario idéal pour attirer les fans devant les Grand Prix, et l’arrivée annoncée de Hamilton chez Ferrari pourrait servir de nouvel aimant. Quelle meilleure association que celle du pilote le plus titré aux commandes du bolide le plus légendaire de l’histoire pouvait-on rêver comme nouveau rival de taille au Néerlandais volant?

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