Gare aux gourous du stress

Massages, coaching, relaxation, méditation : sur ce marché juteux, on rencontre le meilleur comme le pire.

Le stress est une affaire qui roule. Jamais les sociétés qui se consacrent au bien-être ne se sont aussi bien portées. Massages, relaxation, feng shui, spa, produits relaxants, luminothérapie, mobiliers zen : la palette des produits et services semble inépuisable et ne vise plus seulement les particuliers. Les entreprises se laissent désormais tenter. Et offrent à leurs salariés des moments de détente, censés améliorer la productivité de leurs troupes. Les sociétés de massages et autres l’ont bien compris. La technique qui a le vent en poupe actuellement porte le doux nom d’Amma. Ce massage se pratique sur une chaise ergonomique : durant 20 minutes – à raison de 1 euro la minute -, des acupressions sont réalisées sur tout le corps sans que le candidat doive ôter ses vêtements.

Reste que ces multiples produits et services antistress ne se caractérisent pas par leur traçabilité, alors qu’ils flirtent très vite avec la santé, la médecine et la psychologie. Du coup, toutes les dérives sont possibles.

Champions toutes catégories sur le marché du stress en entreprise : les coachs. Mais qu’est-ce qu’un coach ?  » Il n’existe aucun cadre législatif pour notre profession, se désole Pierre Lucas, président de l’International Coach Federation (ICF) en Belgique. N’importe qui peut s’autoproclamer coach. Ce qui n’est pas sans risques, puisque la frontière entre notre action et celle d’un médecin est parfois peu claire. Celui qui n’a reçu aucune formation pourra donc, consciemment ou non, faire entrer son client dans une relation de dépendance. « 

C’est dans un souci de professionnalisation que l’ICF a été créée en 1995. Elle accrédite des coachs désireux d’offrir des gages de sérieux, et qui ont, pour cela, suivi un cursus validé par la Fédération et réussi leur examen. Présente dans 80 pays, la Fédération a déjà accrédité environ 15 000 coachs, dont une centaine en Belgique.

Dérives sectaires

C’est aussi cette absence de cadre législatif dans le domaine du bien-être qui inquiète les organismes de veille qui luttent contre les dérives sectaires.  » Ce marché n’est pas réglementé de la même façon que celui de la psychothérapie. Dans les dossiers que nous traitons, nous voyons des personnages troubles s’autoproclamer psychothérapeutes puis coachs en fonction de la mode, et s’affubler de toutes sortes de noms pseudo-scientifiques pour se donner une aura de sérieux, explique Sandrine Mathen, en charge des dossiers de dérive dans le secteur du bien-être au CIAOSN (Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles). Se dire coach aujourd’hui, c’est s’inscrire dans le mouvement global de retour sur soi, qui a le vent en poupe. « 

Bien sûr, il n’est pas question de blâmer tous les professionnels du secteur.  » Le problème, c’est qu’ils s’adressent parfois à un public fragile, en demande. Lorsqu’on est en burn-out, par exemple, l’esprit critique disparaît, on est plus vulnérable. Certains opportunistes pourraient alors utiliser l’emprise qu’ils ont sur leur client pour les faire basculer. « 

Le secteur du bien-être prend de plus en plus de place dans les dossiers de dérives traités par le Centre. Le dernier rapport du CIAOSN pour 2005-2006 rapporte que 14,7 % des demandes qui lui ont été faites concernaient la sphère du bien-être et des thérapies. Une proportion qui devrait atteindre près de 20 % pour 2007-2008. Un exemple ? S’emparant du thème porteur de la lutte contre le stress, la scientologie utilise des sites Internet comme www.marre-du-stress.com pour faire habilement sa promotion.

Du côté des entreprises, le risque de récupération est renforcé par le phénomène d’externalisation des stages proposés aux employés.  » Les entreprises font appel à des prestataires externes, qui détiennent un portefeuille de stages répartis chez plusieurs sous-traitants. Il n’y a souvent pas de contrôle et on trouve de tout, le meilleur comme le pire « , explique Eric Brasseur, directeur du CIAOSN. Face à ce dédale de solutions miracles pour stressés en quête de sérénité, les pouvoirs publics sont bien loin d’offrir une quelconque boussole. Çà et là, des rumeurs de projets de loi se font entendre. Sans plus.

C.A.

 » Comme la mérule, le burn-out attaque l’organisme lentement, de l’intérieur « 

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