Gags et sentiments

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Paul Thomas Anderson fait rimer amour et humour dans Punch-Drunk Love, une comédie réunissant de surprenante façon Adam Sandler et Emily Watson

(1) L’expression imagée punch-drunk est empruntée au jargon de la boxe où il désigne un combattant en difficulté, littéralement  » soûlé de coups « .

Robert Altman n’est pas seul à chanter les louanges de Paul Thomas Anderson, un des plus talentueux et des plus surprenants parmi les jeunes cinéastes américains à s’être révélés ces dernières années. L’auteur de Boogie Nights et, surtout, de l’admirable Magnolia nous propose aujourd’hui une comédie sentimentale aussi originale que finement interprétée, un exercice de style burlesque et amoureux, où l’émotion affleure sous la mécanique précise de gags souvent irrésistibles. Pour incarner le héros de Punch-Drunk Love (1), Anderson a eu la formidable idée de faire appel à Adam Sandler, un comique au rayon d’action jusqu’ici limité aux comédies populaires bêtifiantes façon Big Daddy, Demain on se marie ou Mr. Deeds. Très apprécié du public adolescent aux Etats-Unis, cet amuseur au jeu tout en effets faciles avait-il, comme avant lui Jim Carrey, les qualités nécessaires pour aborder des rôles plus complexes dans des films artistiquement plus ambitieux ? Paul Thomas Anderson n’en doutait pas, et on ne peut que lui donner raison en dégustant la performance épatante de Sandler dans le personnage de Barry Egan. Ce dernier, chef d’une petite entreprise de fournitures pour… WC, est une sorte de grand jeune homme dont le mental n’a pas totalement suivi l’évolution physique. Maniaque et sujet à de subites colères, il est victime des manigances de ses sept s£urs, soucieuses de remédier à la solitude de ce célibataire probablement puceau et dont la vie affective est un affligeant désert. Un soir qu’il les quitte, furibond, après une tentative ratée de lui présenter quelqu’un, Barry cède aux charmes d’une ligne de téléphone rose et tombe dans le piège d’une arnaque à la carte de crédit.

Des larmes au rire

Comment cet événement changera la vie de notre héros perturbé, comment, simultanément, s’ébauchera une histoire d’amour avec une jeune femme elle-même solitaire et timide, Punch-Drunk Love nous le raconte sur un mode on ne peut plus plaisant, où se multiplient les références à Jacques Tati et aux burlesques du cinéma muet.

Face à un Adam Sandler révélant des finesses insoupçonnées, on a la surprise de retrouver, dans le rôle de Lena, la grande Emily Watson. Passant des larmes déchirantes du mélodrame de Lars von Trier, Breaking the Waves, aux gags déjantés du film de Paul Thomas Anderson, l’actrice anglaise signe une prestation subtile, amusante et charmante à la fois.  » J’étais assez surprise de l’idée qu’avait le réalisateur de faire un couple d’Adam Sandler et de moi, se souvient Emily Watson, mais j’ai vite compris que cette alchimie qu’il devinait entre nous était bien présente, et d’autant plus riche qu’elle semblait des plus improbables. Un des nombreux talents de Paul Thomas Anderson réside dans cette capacité à saisir intuitivement ce que les autres ne voient pas, comme il le fit déjà avec Tom Cruise en lui donnant, dans Magnolia, un rôle que beaucoup ne croyaient pas dans ses cordes…  »

Emily Watson exprime son admiration pour les méthodes de travail du jeune metteur en scène,  » tout à la fois remarquablement précis, comme la comédie l’exige, et constamment ouvert à tout ce qui survient sans être prévu, à tout ce non-dit qui nourrit presque organiquement les relations des personnages entre eux « . Cette balance de la mécanique burlesque, au timing et aux rythmes obligatoirement parfaits, et de l’inspiration du moment est à la source du plaisir offert par Punch-Drunk Love, film nettement plus léger que le lyrique Magnolia, mais dont la réalisation et l’interprétation remarquables font oublier la relative absence de vrai fond.  » Je crois que Paul a voulu échapper à la gravité de son film précédent pour afficher sa liberté d’artiste, être là où on ne l’attendait pas, conclut l’interprète de Lena, et ce, tout comme Robert Altman auquel – pour avoir travaillé avec lui sur Gosford Park – je trouve qu’il ressemble beaucoup.  »

Louis Danvers

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