Frisson kosovar

de CHRISTIAN MAKARIAN

Rarement naissance démocratique aura causé tant d’amertume. Et engendré tant d’inquiétude. Depuis la proclamation de l’indépendance du Kosovo, le 17 février, la joie de Pristina est couverte par les explosions de colère de la Serbie.  » Un précédent horribleà qui fait voler en éclats tout le système des relations internationales « , s’énerve, en expert, Vladimir Poutine, promettant aux Occidentaux que le bâton  » va un jour leur revenir dans la gueule « . Comme si cette province avait été un havre de paix avant l’intervention de l’Otan, comme si l’on n’avait pas négocié, pendant neuf ans, pour retarder cette  » indépendance par défaut « . La polémique est enflammée entre pour et contre ; adversaires de l’Europe et ennemis de l’Amérique se cachent sous la Schadenfreude de ce chaos ; les divisions entre Européens recouvrent le tout. Jusqu’à faire oublier deux vérités essentielles : si critiquable soit-elle, l’action militaire et diplomatique occidentale a mis fin à un authentique carnage ; si faible soit-elle, l’Union européenne a su poursuivre son £uvre de paix, après l’intégration réussie de la Slovénie et la normalisation de la Croatie. Non, à ce jour, l’ex-Yougoslavie n’a pas fait chuter l’Europe !

Mais, attention : à propos du Kosovo, transformé en échiquier mondial, chacun nourrit des arrière-pensées. Celles que tout le monde connaît : la Russie craint pour la Tchétchénie, Chypre, pour la partie nord de l’île (occupée par les Turcs), l’Espagne, pour le Pays basque et la Catalogne, la Géorgie, pour l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud… Et celles auxquelles on n’avait pas forcément pensé : le régime de Taïwan soutient le Kosovo pour souligner sa souveraineté à l’égard de Pékin, un dirigeant palestinien demande la proclamation unilatérale d’indépendance par rapport à Israël, la Bolivie d’Evo Morales ose le parallèle avec ses provinces perdues, et la Turquie, qui en profite pour piétiner le nord de l’Irak, mate les séparatistes kurdes tout en soutenant l’indépendance des Kosovars. La leçon est claire : on ne peut pas lâcher le famélique Kosovo dans un monde sauvage, ce qui suppose, encore, un investissement tutélaire. Le protectorat européen doit succéder au protectorat onusien. Ce n’est pas tout : l’Europe a maintenant le devoir d’ériger la Serbie en priorité et de l’accompagner dans un processus d’intégration  » sur mesure « . La paix, c’est un sacré combat. l

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