Fourniret assume sa monstruosité

La perversion du couple Michel Fourniret-Monique Olivier apparaît au grand jour, devant les assises de Charleville-Mézières. Gros plan sur les principaux acteurs du procès.

Vêtu d’un pull bleu électrique, Michel Fourniret donne un air sévère à ses traits bouffis. Monique Olivier, le corps avachi, chancelle quand elle se lève, n’achève pas ses phrases. Dans le box des accusés de la cour d’assises de Charleville-Mézières, en France, ces deux-là feraient presque oublier qu’ils se sont conduits comme des bêtes sauvages. Elle, pour assouvir sa vengeance contre son premier mari.  » N’importe quelle femme, si elle l’avait connu, comprendrait… « , bredouille-t-elle. Lui ne vivait, selon ses dires, que pour enlever des  » membranes sur pattes  » et jouir de leur terreur. Il ne parvenait pas toujours à les pénétrer. Mais tuer, il savait, avec ses mains disproportionnées qui, aujourd’hui, caressent nerveusement sa barbe.

Le 26 juin 2003, à Ciney, il a pourtant croisé son destin : Marie-A., 13 ans. Protégée par sa foi, dit-elle, l’adolescente d’origine burundaise s’est libérée de ses liens, a sauté de la camionnette, dont la plaque a été relevée par Stéphanie Janton, la conductrice qui a pris en charge la jeune fille. A l’audience du 31 mars, d’une voix claire, Marie-A. explique au président de la cour d’assises, Gilles Latapie, qu’elle n’avait pas vraiment le choix de ne pas monter dans le véhicule.  » Si quelqu’un était passé, j’aurais demandé du secours.  » La contrainte est d’abord verbale puis physique. Le tueur des Ardennes lui met la main à la gorge après avoir élevé graduellement la voix, sans l’ombre d’un énervement : un degré plus fort à chaque refus de la petite de tendre ses poignets pour être ligotée.  » Il était calme « , répète-t-elle. Elle comprend qu’il se moque quand il lui promet du plaisir.  » Vous vous êtes dit que c’était fini « , comprend le président.

Dans une lettre écrite en prison, Fourniret décrit à son fils Sélim, 19 ans, ce qu’il comptait faire de sa prisonnière.  » Je lui aurais arraché les yeux et les membres vivants avec une jouissance infinie. Si j’avais voulu abuser d’elle, au lieu de la faire passer de l’avant à l’arrière ( NDLR : du véhicule), je lui aurais infligé de longues souffrances, des tortures morales et physiques.  » Signé :  » Le père « .

Aveu terrifiant, textes abscons et mégalomanie

L’avocat général Francis Nachbar l’interroge sur cet aveu terrifiant. Le petit homme bleu se dresse :  » Je suis convaincu que vous avez la réponse à cette question, vous qui affirmez me connaître bien.  » Il parle comme il écrit, Fourniret, avec des inversions ridicules, comme dans ce :  » A huis clos, je vous répondrai « . S’étant obligé au silence, l’accusé adresse des textes abscons à la cour et aux parties civiles. Tout plutôt que s’avouer dépassé par les événements. Aux enquêteurs, il va jusqu’à expliquer qu’il s’est abstenu de serrer les liens de Marie-A. pour provoquer sa propre arrestation ! Le 1er avril, sa mégalomanie a explosé devant les sarcasmes de l’avocat général :  » Je n’ai jamais caché que j’étais un monstre, moi ! « 

Avec le commissaire Jacques Fagnart, de la police judiciaire fédérale de Dinant,  » Fourniret, maître du monde  » a trouvé à qui parler ou, plutôt, ne pas parler. Fagnart est un ours allergique aux trucs de montreur d’ours. Faussement calme, il a des moustaches en guidon de vélo : elles font diversion, mais ne trompent pas sur la vigilance de leur propriétaire. L’avocat général ne cache pas son admiration devant le policier wallon qui, soumis à un feu de questions et de cajoleries, est comme paralysé. Il faut lui arracher les mots un à un. Un avocat de la défense, ayant débité un long propos sinueux, fait quasiment un bond de côté quand l’enquêteur pivote vers lui et articule douloureusement :  » Je n’ai pas compris la question.  » Fourniret et Olivier ont dû faire face, pendant un an, à cette force tranquille dissimulant un fin technicien.

La journée du 31 mars aura permis d’évoquer l’épilogue heureux de cette affaire, mais ce n’est qu’une parenthèse dans ce procès. Les horreurs commises vont s’étaler jusqu’en mai. Des assistantes chargées de l’aide aux victimes montent la garde autour des familles des disparues, qui ont maintenant la parole face à la cour.

Marie-Cécile Royen

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