FORTUNE D’ALBERT II

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Le Palais continue à affirmer que les avoirs personnels du roi des Belges ne dépassent pas 12,4 millions d’euros. Un montant très largement sous-estimé, selon plusieurs sources.

A la mort de Baudouin, en 1993, certains, au Palais, se sont inquiétés du sort de son héritage. Quels étaient les intentions de son épouse ? Doña Fabiola de Mora y Aragon comptait-elle rejoindre les siens en Espagne ? Avec une partie de la fortune royale ? Un conseiller de la monarchie nous confie avoir été approché cette année-là, l’entourage du roi peinant, dit-il, à établir un inventaire précis des biens du défunt. Selon un article paru à l’époque dans le magazine Knack, 1 milliard de francs belges (25 millions d’euros) de droits de succession ont été payés après la mort de Baudouin, sur un héritage de quelque 12 milliards (300 millions d’euros). Le Palais n’a pas démenti. Quant à Fabiola, elle est finalement restée en Belgique.  » Elle en avait fait la promesse à son mari « , assure Fermin Urbiola, biographe espagnol de la reine.

Près de vingt ans plus tard, la fortune personnelle du roi des Belges reste un secret bien gardé. Depuis plusieurs années, le Palais martèle le même chiffre en guise de démenti aux sommes avancées par les médias : les avoirs d’Albert II s’élèvent officiellement à 12,4 millions d’euros. Ce qui paraît bien peu, d’après les spécialistes. En outre, le roi possède, en propre, la bastide Le Romarin, à Châteauneuf-de-Grasse (Alpes-Maritimes), et le luxueux yacht Alpa III. Il a également acquis, en 2008, deux appartements et trois garages sur l’avenue Graaf de Smet de Naeyer, à Ostende. Un investissement de plus de 1,5 million d’euros négocié par James Dupont, notaire du souverain.

Achats controversés

Certains, en ces temps de crise, ont crié au scandale quand, en août et septembre 2009, l’acquisition des appartements et celle du  » yacht de milliardaire  » ont été révélées.  » De tels achats ne devraient plus être financés par l’argent des impôts, en principe destiné à couvrir les frais de fonctionnement de la monarchie « , s’est offusqué le député fédéral N-VA Ben Weyts. Les dents ont d’autant plus grincé dans le royaume que le souverain venait de dénoncer, dans son discours à la Nation du 21 juillet 2009, le  » caractère de plus en plus matérialiste  » de la société.

Pour financer l’acquisition des appartements ostendais, il semble que le roi ait contracté un emprunt, information que ne confirmera jamais le Palais, très discret sur ce qui ressortit au domaine privé. La crise financière aurait eu une incidence fâcheuse sur les investissements boursiers du souverain, qui, prudemment, se serait replié sur la brique. Un parlementaire belge résolument monarchiste estime toutefois que  » le roi aurait dû être mieux conseillé, car les révélations sur ces achats ont desservi son image au moment même où se renforçait, en Flandre, le courant républicain « .

Les évaluations les plus fantaisistes ont circulé, ces dernières années, concernant les avoirs de la famille royale belge. Dès 1999, Eurobusiness citait le chiffre astronomique de 2 milliards d’euros. Mais le calcul du magazine britannique englobait les palais et résidences royales, propriétés de l’Etat. Plus proches sans doute de la réalité, deux journalistes de VTM avaient parlé, il y a dix ans, d’une fortune totale de 300 millions d’euros. Mais Thierry Debels, auteur de L’Argent de nos rois (Jourdan Editeur, 2011), chiffre plutôt la fortune actuelle d’Albert II à 1 milliard d’euros au minimum, soit 80 fois plus que la somme martelée par le Palais depuis plusieurs années. Une évaluation que le porte-parole de la famille royale a qualifiée de  » pure fantaisie « .

L’héritage des Cobourg

Debels, qui se présente comme un  » spécialiste de la finance  » et a travaillé pour la Lijst Dedecker au Sénat, prend en compte les actions historiques que possédait la Maison royale auprès du holding Société générale de Belgique, aujourd’hui détenu par Suez. Soit, de 4 à 6 % de l’ensemble des parts. D’où le montant astronomique de 1 milliard, qui, selon l’auteur, est sous-évalué, car  » les actions de la Société générale ont été acquises à un cours privilégié « . A cette somme s’ajoute, d’après lui, une part des  » héritages gigantesques des Cobourg  » et de  » l’importante fortune ramassée au Congo « . Debels évoque aussi la rumeur selon laquelle le roi Baudouin aurait placé plusieurs milliards à New York avant une dévaluation du franc belge. Une autre somme aurait été transférée outre-Atlantique à sa mort.

A en croire certains, la  » vraie  » fortune d’Albert II serait placée à l’étranger.  » Elle se retrouve dans une structure offshore complexe « , assure l’auteur de L’Argent de nos rois.  » Conformément aux habitudes des Cobourg, les comptes sont cachés et gérés par des hommes de paille, notamment des amis de la noblesse « , ajoute cet ancien chercheur à la VUB.

OLIVIER ROGEAU

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