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Baptiste Liger

Avec sa mercière d’Arras millionnaire de la loterie, Grégoire Delacourt est la surprise de la rentrée. Portrait d’un publicitaire entré en écriture.

Et si la concierge de L’Elégance du hérisson était devenue mercière dans le Pas-de-Calais ? L’hypothèse peut sembler farfelue. Il est pourtant difficile de ne pas y songer à la lecture de La Liste de mes envies, roman phénomène de Grégoire Delacourt (51 ans). Ce nom ne vous dit peut-être rien, mais son second opus a déjà été vendu, en France, à raison de 10 000 exemplaires en quinze jours.  » Mon éditeur me dit que c’est bien parti « , reconnaît modestement l’auteur, publicitaire de son état. Après un bac  » lettres et arts « , Delacourt suit des cours du soir de comptabilité et de droit. Ennui. Il présente un  » dossier bidon  » à des agences de pub et il est embauché par FCB. Le jour où il remporte son premier gros budget, le Crédit agricole, la banque acquiert le magasin de tissus au mètre de son père, à Valenciennes. Depuis, il n’a jamais quitté la  » réclame  » : Australie, Lowe, Quelle belle journée. Avec son faux air de Patrick Besson, ce  » pubeur  » est de tendance janséniste.  » Réussir sa vie, c’est ne pas rêver d’avoir une Rolex à 50 ans « , dit-il. Et se lancer dans la littérature n’est pas briguer d’emblée une place dans la république des lettres. Il a terminé un manuscrit en 2009, l’a envoyé à Jean-Louis Fournier, qui l’a présenté chez Jean-Claude Lattès. Paru dans un relatif anonymat au début de 2011, L’Ecrivain de la famille a fait son petit bonhomme de chemin : cinq récompenses (dont le prix Marcel-Pagnol) et 11 000 exemplaires écoulés. Le succès surprise de La Liste de mes envies était en fait perceptible dès l’automne dernier, à la Foire du livre de Francfort, où le texte a été vendu dans douze pays, y compris la Grande- Bretagne et les Etats-Unis, selon l’éditrice, Karina Hocine. Les enchères auraient été  » incroyables « . Depuis, les droits cinématographiques ont été vendus. Avant même parution. Du jamais-vu depuis Et si c’était vraià, de Marc Levy.

Sans doute le  » pitch  » a-t-il alléché : une mercière du Nord remporte la cagnotte de l’Euro Millionsà Elle s’appelle Jocelyne et son mari, Jocelyn. Elle a 47 ans et a donné la vie à trois enfants – mais a perdu sa petite Nadège à la naissance. Reine du dé à coudre, elle habite à Arras, 42 000 habitants, quatre hypermarchés. Il y a longtemps, Jocelyne tenait un journal ; désormais, c’est sur son blog à succès, Dixdoigtsdor, qu’elle s’exprime. Elle n’imaginait pas qu’un billet de loterie en système flash pouvait bouleverser une vie. La dame de la mercerie est en effet l’heureuse gagnante des 18 547 301 euros et 28 centimes. De quoi offrir à son époux la Porsche Cayenne de ses rêves et la collection complète des James Bond en DVD.

Un hommage aux anciens métiers du textile

Grégoire Delacourt a produit un joli cocktail d’ Ah ! si j’étais riche et de Bienvenue chez les Ch’tis, avec une pincée de Belle du seigneur. Citant à loisir Sauver l’amour, de Daniel Balavoine ( » Qui pourra remplacer le besoin par l’envie ? « ), l’auteur se défend de tout opportunisme.  » J’avais simplement envie de rendre hommage à ces métiers du textile qui ont bercé mon enfance.  » La Liste de mes envies possède un charme naturel et une évidente efficacité. Si son héroïne a validé le ticket d’Euro Millions, c’est lui qui devrait empocher le pactole.

La Liste de mes envies, par Grégoire Delacourt. JC Lattès, 188 p.

BAPTISTE LIGER

Les droits cinémato-graphiques ont été vendus avant même parution

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