Etoile polar sur la Baltique

Marianne Payot Journaliste

Célébrée dans son pays, la Suédoise Viveca Sten débarque avec la première enquête de sa série consacrée à l’île de Sandhamn. A découvrir.

Il y a plus de 20 000 îles dans l’archipel de Stockholm. Sandhamn n’est pas la plus proche de la capitale suédoise (elle est la dernière avant l’Estonie), ni même la plus vaste, et encore moins la plus peuplée (une centaine d’âmes l’hiver, une litote au pays des glaces), et pourtant quelques millions de Suédois sont capables de la situer dans la Baltique. Parce qu’elle accueille depuis plus d’un siècle de fabuleuses régates (comme en témoigne la belle bâtisse de l’ancien Royal Swedish Yachting Society Clubhouse) et son cortège princier ; parce que Strindberg est venu un temps s’y ressourcer ; mais aussi et surtout parce que Viveca Sten, la dauphine du polar suédois, y plante ses personnages depuis 2008, depuis cette Reine de la Baltique, qu’Albin Michel publie ces jours-ci.

Viveca Sten ? Inconnue en Belgique, star dans son pays, où elle rivalise avec Camilla Läckberg. Certes, sa cadette (39 hivers, contre 54) a entamé plus tôt (La Princesse des glaces, 2003) sa fulgurante ascension. Mais de roman en roman, Viveca grappille des places (son sixième policier vient de paraître, l’ensemble totalisant 2 millions de livres vendus grâce, notamment, au succès monstre de leurs adaptations télé-visuelles diffusées autour de Noël). Concurrentes ?  » Non, collègues, rétorque-t-elle, tout sourire. Nous avons le même éditeur et le même agent, et nous nous voyons trois ou quatre fois par an.  » Soit. Mankell ( » Il a ouvert la mer Rouge « ), Läckberg, Sten… A chacun son fjord ! La Suède (9 millions d’habitants) fait des ponts d’or à ses plumes noires. Celle de Viveca a trouvé le filon en imaginant ses intrigues sur cette île de Sandhamn (plages de sable blanc, pontons festifs, maisons en brique colorées, pas de voiture) qu’elle arpente depuis son enfance – son arrière-grand-père y acquit une maison en 1917 – et où elle soigne ses textes, seule, lors des mois enneigés. C’est dans ce petit paradis qu’un sympathique duo formé par l’inspecteur Thomas Andreasson, grand blond aux yeux bleus fraîchement divorcé, et son amie d’enfance, l’avocate Nora Linde, tente d’élucider une série de crimes.  » Mais tous ne sont pas perpétrés sur l’île même, prévient l’auteur. Je ne peux pas tuer tous les habitants de Sandhamn, d’autant que j’ai promis dix volumes à mon éditeur.  »

Tel un métronome, elle peaufine un roman par an

Rigueur et logique, telles semblent être les règles de vie de cette juriste mère de famille, qui n’a lâché ses hautes fonctions à la poste suédoise qu’en 2011. Et qui peaufine, tel un métronome, un roman par an, chacun étant nourri par une motivation criminelle particulière (l’instinct de survie, l’âpreté au gain, le désespoir, la vengeance…) et consacré à un milieu bien précis (les soldats des années 1970, la jeunesse dorée et pourrie, les immigrants et l’extrême droite). C’est PowerPoint à l’appui, règle à la main et carte sous les yeux, que la Suédoise dévoile les dessous de son savoir-faire devant une brochette de Français… un rien déconcertés par l’exercice. Une chose est sûre : aucune erreur de raisonnement dans les intrigues du professeur Viveca Sten, drôle de vigie polyglotte (francophone depuis un long séjour à Grenoble) et sportive accomplie.

Un petit matin de juillet, sur une plage de Sandhamn, un homme tombe sur un corps mutilé entortillé dans un filet de pêche… Krister Berggren, cariste chez un grossiste en alcool, avait disparu depuis Pâques. Bientôt, sa cousine, croupier, est également trucidée. Puis c’est au tour d’un insulaire, vaguement peintre. Le tout en pleine saison touristique ! L’inspecteur Andreasson, aidé par sa camarade Nora, prend l’affaire en main. Un équipage chaleureux, un scénario bien ficelé, et surtout le portrait ingénieux de ces îliens du Nord. Pas de doute, Viveca Sten devrait se frayer une belle place dans nos bibliothèques.

La Reine de la Baltique, par Viveca Sten. Trad. du suédois par Rémi Cassaigne. Albin Michel, 400 p.

Marianne Payot

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