Etats-Unis: Le géant empêtré

L’étoile de la superpuissance a pâli. Mais la bataille idéologique qui sévit à Washington semble empêcher toute analyse sérieuse de l’état économique et moral du pays.

L’Amérique a connu une rude semaine « , déplorait Brian Williams en ouvrant son journal télévisé du 11 août. Le présentateur de NBC, d’ordinaire admiré pour ses commentaires nuancés, n’a pas hésité, cette fois, à placer sur le même plan des calamités nationales la mauvaise note infligée aux Etats-Unis par l’agence de notation Standard and Poor’s et la mort de 31 soldats dans le crash d’un hélicoptère abattu en Afghanistan. Aussi extrême que paraisse l’amalgame, il rend bien compte de la névrose ambiante, mélange de sentiment de vulnérabilité, de peur du déclin et de désarroi qui agite désormais la superpuissance.

Trois semaines de psychodrame grotesque

L’affolement de Wall Street, la semaine dernière, s’expliquait moins par la perte du fameux  » triple A  » des Etats-Unis que par la crainte d’une faillite en chaîne des gouvernements européens. Mais cette panique boursière traduisait aussi une crise de confiance envers les institutions de la première économie mondiale. Celle-ci a montré des élus du Congrès incapables de transiger avec leurs credo politiques pour soutenir une croissance fragile, travailler à long terme sur les maux du pays et réagir aux mauvaises nouvelles du vaste monde.

Trois semaines de psychodrame grotesque, durant lesquelles la majorité républicaine de la Chambre des représentants a refusé de voter le relèvement du plafond de la dette des Etats-Unis, tandis que le Sénat, tenu, lui, par les démocrates, ne voulait pas se plier à ses exigences en matière de réduction du déficit des finances publiques, ont certes failli s’achever par un désastre : l’inscription des Etats-Unis, premier débiteur mondial, au tableau infamant des mauvais payeurs.

Mais le plus grave, c’est ce que ce chantage éhonté, désastreux pour l’image des Etats-Unis, et conclu par un accord provisoire et boiteux, a révélé de l’état du pays. Il soulève au moins deux questions : les Américains et leurs élus vivent-ils dans deux univers distincts ? A quoi rime ce dogme, cette priorité à l’austérité absolue au moment où la croissance américaine, bien molle, peine à infléchir une courbe du chômage bloquée à 9 % ?

 » L’Amérique pourrait connaître une bonne année 2012 si les hommes politiques ne faisaient pas tout pour l’empêcher, regrette Ian Shepherdson, économiste britannique du centre d’analyse High Frequency Economics. Je parle des républicains ; mais, à ma grande surprise, les démocrates leur cèdent du terrain.  » Un chômage encore élevé lors des présidentielles de novembre 2012 avantagerait en effet les républicains, et Barack Obama, faute d’avoir pu convaincre l’opinion que son plan de relance de 2009 a été efficace, se voit maintenant assailli par une insurrection populiste anti-Washington, contraint de répondre à une jacquerie fiscale et antipoliticienne attisée par les idéologues du mouvement droitier Tea Party, dont émane un tiers des élus de la nouvelle majorité républicaine à la Chambre des représentants.

Pour ces absolutistes du dégraissage budgétaire, opposés à toute hausse d’impôt, le  » déficit  » est un mot codé qui désigne le  » trop d’Etat « . En témoigne leur acharnement sidérant contre la reconduction du budget de la FAA, l’administration chargée du transport aérien américain, dont 4 000 employés sont au chômage technique faute de subsides.  » Une importante minorité conservatrice à la Chambre ne semble montrer aucun intérêt à gouverner le pays, ironise Mike Gerson, ancien membre du gouvernementà Bush. Leur fonction ne leur sert qu’à démontrer périodiquement leur pureté. « 

L’Amérique, ses marchés affolés et ses partenaires désemparés attendent pour leur part que le pouvoir politique à Washington retrouve le sens des réalités.

DE NOTRE CORRESPONDANT PHILIPPE COSTE

Une crise de confiance envers les institutions de la première économie mondiale

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