Et Misha partit vers l’Est…
Véra Belmont narre avec justesse et sobre émotion le périple authentique d’une enfant juive cherchant ses parents déportés dans Survivre avec les loups.
C’est une histoire vraie, et c’est une histoire belge, même si ses résonances sont on ne peut plus universelles. Misha Defonseca l’avait narrée dans son livre autobiographique (paru chez Robert Laffont, en 1998), évoquant comment, petite fille de parents juifs raflés à Bruxelles durant l’occupation nazie, elle partit vers l’Est dans l’espoir fou de les retrouver. Survivre avec les loups avait tout pour inspirer un film, et c’est… le studio Walt Disney qui fut le premier à en acquérir les droits d’adaptation. Des divergences empêchèrent (fort heureu- sement !) le probable désastre qu’eût été une version infantilisée de cette très belle, forte et déchirante histoire d’enfance.
Véra Belmont, que le livre avait bouleversée et qui espérait depuis des années pouvoir en faire un film, put concrétiser son projet quand Disney passa la main. La réalisatrice ( Rouge baiser, Milena) et productrice ( L’Enfance nue, La Guerre du feu) française, elle-même d’origine juive est-européenne, savait comment aborder la transposition du récit de Misha Defonseca pour » en respecter la valeur de témoignage tout en privilégiant une forme essentiellement visuelle, où l’image doit pouvoir prendre le pas sur les mots « .
De fait, la chronique du voyage vers l’Est de la petite Misha prend corps sous nos yeux de manière intensément cinématographique. Nous traversons l’Europe occupée sur les pas de la gamine intrépide, nous partageons sa faim, ses peurs, mais aussi ses émerveillements quand une louve décide de cheminer avec elle. Fort intelligemment, la réalisatrice arrache progressivement son héroïne au cadre temporel et historique précis de l’action pour conférer à son aventure cette dimension mythique sans laquelle serait impossible de faire du film ce » conte tragique » que voulait Belmont.
Choisie au terme d’un casting de 130 enfants, Mathilde Goffart fait une formidable Misha. Le tournage difficile, étendu sur plus d’un an par nécessité de montrer le passage des saisons, a vu la jeune interprète belge grandir dans son rôle au point d’en restituer les plus subtiles nuances. » Je lui montrais quoi faire en jouant moi-même la scène, puis elle le reproduisait à sa façon, sans poser beaucoup de questions « , se souvient Véra Belmont. Laquelle souhaite voir son film circuler en milieu scolaire, pour permettre aux enseignants d’aborder le thème de la Shoah via une £uvre accessible au jeune public. Survivre avec les loups est sans doute l’objet de transmission idéal pour opérer ce passage vers les nouvelles générations que tant d’autres films trop durs ou trop complexes ne permettaient pas. » Les témoins disparaissent, nos sociétés oublient (veulent parfois oublier) ce sujet de l’extermination des juifs d’Europe, explique la cinéaste. Et, quand je cherchais de l’argent en France, j’ai bien senti que je gênais. On me disait : » C’est une histoire belge, allez donc chercher un financement en Belgique ! » » Une Belgique dont les frères Dardenne déploraient voici peu qu’elle n’ait jamais consacré de film au thème de la déportation… Survivre avec les loups sort en première mondiale dans notre pays, les spectateurs français devant attendre janvier 2008 pour le découvrir. Cette £uvre aussi sensible que captivante est à voir en famille, et à méditer.
Louis Danvers
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