Eric Van Rompuy est bien plus que le frère de l’autre, Herman. A 58 ans, le député régional flamand a fait une croix sur ses ambitions ministérielles, contrecarrées par… Yves Leterme. L’électron libre du CD&V livre sans fard la vraie nature de son parti.
Le CD&V joue à fond la carte communautaire. C’est un bon filon ?
Nous avons gagné deux élections sur ce thème. Nous nous sommes radicalisés au cours des huit années passées dans l’opposition. Notre crédibilité, tout comme notre participation au gouvernement, est liée à la scission de BHV et à la réalisation d’une grande réforme de l’Etat.
Ce faisant, vous ne facilitez pas la tâche d’Yves Leterme, Premier ministre issu de vos rangs…
Au CD&V, aucune critique ne lui est adressée. Leterme n’a jamais proposé de compromis aux instances du parti. Il sait très bien quel est notre programme, il ne peut l’oublier. Ses prédécesseurs au 16, rue de la Loi, Martens et Dehaene, ne l’avaient jamais oublié non plus. Et ils ont réalisé des réformes de l’Etat.
S’il devait s’opposer à ce programme, au nom de la survie de son gouvernement ?
Les francophones voudraient tellement que Leterme force son parti à renoncer à son programme… Et ils ont beau jeu de souligner qu’il ne contrôle pas le CD&V. En 1979, lorsque j’étais président des Jeunes CVP, j’ai été à l’origine de la chute du Premier ministre Wilfried Martens. Les 2 000 congressistes ont suivi mon refus de la solution qui était alors retenue pour régler le problème du statut de la région bruxelloise. Martens n’a pas pu forcer son parti à accepter ce qui était pour nous inacceptable. Quand il s’agit du communautaire, le CD&V n’est pas un parti facilement gérable. C’est une tradition depuis l’affaire de Louvain, en 1968.
Même chef du gouvernement, Leterme reste aux ordres de son parti ?
Comme Martens et Dehaene avant lui, il vient au bureau du CD&V pour écouter. La marge de man£uvre d’un Premier ministre flamand face à son parti est étroite. Leterme ne s’accrochera pas à son poste.
A propos du dossier BHV, vous avez lancé à la tribune du parlement flamand, et en français, par surcroît : » Nous allons gagner ! « . Le CD&V est-il donc si sûr de la victoire ?
En 1988, Jean-Luc Dehaene a réalisé la plus grande réforme de l’Etat qu’ait connue le pays. Il l’a fait en appliquant presque entièrement le programme du CVP. José Happart n’a jamais été nommé bourgmestre à Fourons, le FDF n’a jamais réussi à réaliser son programme. Où sont les concessions ?
Les francophones vont donc encore devoir plier devant l’incontournable CD&V ?
Jusqu’à présent, on a joué le zéro-zéro, en appliquant le système du catenaccio (NDLR : système de jeu très défensif au football), avec un arbitre qui ne parvient pas à siffler la fin du match. Il faudra pourtant bien un moment marquer un but. Si la Belgique doit survivre, avec un gouvernement comprenant le CD&V, il faudra bien que, tôt ou tard, les francophones négocient avec nous. Et, croyez-moi, ce n’est pas un petit jeu.
Pour qui ce jeu est-il finalement dangereux ?
En mettant le couteau sous la gorge de Leterme, les francophones ne réalisent pas à quel point ils mettent le couteau sous la gorge de la Belgique.
Entretien : P.Hx.