Enquête sur l’éminence grise d’Albert II

Jacques van Ypersele de Strihou est chef de cabinet du roi depuis trente ans. Un record. Mais qui est ce fidèle serviteur aussi discret qu’influent ? A-t-il fait son temps, alors qu’une ambiance de fin de règne semble tétaniser le Palais ? Enquête.

Il n’a certainement pas sablé le champagne. Même ses proches ignoraient l’anniversaire. Cela fait pourtant tout juste trente ans que Jacques van Ypersele assume la fonction de chef de cabinet du roi. Cinq fois plus longtemps que son prédécesseur. Bras droit de Baudouin pendant une décennie, l’ancien professeur d’économie a poursuivi la tâche auprès de son frère cadet. Ceux qui pensaient qu’il prendrait sa retraite lors de son 65e anniversaire, fin 2001, se sont trompés. A bientôt 77 ans,  » van Yp’ « , comme on le surnomme dans le sérail, reste les yeux et les oreilles d’Albert II.

Trente ans au même poste, c’est long. Trop ? Socialistes et libéraux en sont convaincus. Certains, naguère, ont cru bon de rappeler que l’alternance constitue un principe démocratique. Face à ce catholique pratiquant, les partis laïques ont laissé entendre qu’il convenait de revoir les équilibres philosophiques au Palais. Peine perdue : ils n’ont pas obtenu la tête du grand vizir.

La veulent-ils d’ailleurs toujours ? Même le socialiste flamand Johan Vande Lanotte, très virulent envers le chef de cabinet du roi, a fini par se radoucir. L’interminable crise de 2010-2011 est passée par là. En démontrant toute l’utilité du roi, elle a aussi mis en lumière celle de son conseiller, dont l’inventivité et l’inépuisable dictionnaire de rimes en  » eur  » (explorateur, clarificateur, conciliateur et autre débroussailleur) ont permis de surmonter bien des tempêtes politiques.

Mais depuis plusieurs mois, c’est à la cour elle-même que l’orage gronde. La famille royale multiplie les maladresses, peine à faire face aux révélations médiatiques, réagit avec retard ou en ordre dispersé. Parmi les derniers remous en date, la mise en garde  » contre les discours populistes  » contenue dans le message de Noël du roi, perçue au nord comme une attaque en règle contre les nationalistes de la N-VA. Or le chef de cabinet participe à la rédaction des discours royaux, même si les idées sont celles du roi et la responsabilité finale, celle du Premier ministre.

Vint ensuite la polémique autour de la fondation mort-née de la reine Fabiola. Ces couacs à répétition sont-ils les signes d’une ambiance de fin de règne ? Des voix déplorent à nouveau le non-renouvellement de l’entourage d’Albert II, qui serait dépassé par les événements et peu soucieux de repenser son mode de fonctionnement.  » La plupart des proches du roi sont âgés, admet un membre du cabinet royal. Cela ne donne certes pas une image de grand dynamisme.  »

Officiellement pensionné depuis douze ans, van Yp’ estime-t-il que sa charge devient pesante ?  » Je ne l’ai jamais entendu se plaindre, confie son ami Jan Grauls, ex-ambassadeur de Belgique à l’ONU. Grand travailleur et homme de devoir, il est fidèle au poste.  » Le roi, lui, semble décidé à lever le pied, même si le Palais affirme qu' » une abdication n’est pas à l’ordre du jour « . Raison de plus pour s’interroger sur la personnalité et l’influence de son omniprésent serviteur.

UN DOSSIER D’ETTORE RIZZA ET OLIVIER ROGEAU

Son inventivité a permis de surmonter bien des tempêtes politiques

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