Les contacts n’ont jamais été aussi intenses et soutenus avec BSCA, qui gère l’aéroport carolo. Un des objectifs : réduire les taxes par passager qui s’élèvent à 2,20 euros à Charleroi, contre… plus de 20 euros à Brussels Airport.
En décidant de construire un terminal low cost à Zaventem, Brussels Airport, la société gestionnaire de l’aéroport national, a-t-elle poussé Brussels Airlines dans les bras de BSCA, gestionnaire du site de Charleroi ? Depuis l’annonce officielle du projet en février dernier, les contacts n’ont jamais été aussi intenses et soutenus entre les deux futurs partenaires.
La compagnie aérienne belge étudie sérieusement l’opportunité de délocaliser des vols vers l’aéroport wallon. » Depuis que Brussels Airport a annoncé officiellement son projet, il n’y a plus de tabou. Et nous avons intensifié les contacts avec l’aéroport de Charleroi qui est très désireux de nous accueillir. A l’initiative du management, une étude est en cours pour savoir exactement ce qu’on peut faire, les conclusions sont attendues dans les prochaines semaines avec des recommandations. Mais il n’est pas question de délocaliser totalement nos activités à Charleroi, car la plupart de nos clients font des connexions à Brussels Airport et en raison des accords que nous avons signés avec d’autres compagnies comme American Airlines et JetAirways, nous avons besoin d’avoir une activité forte à l’aéroport national. Nous ne pouvons pas non plus y opérer des vols long-courrier « , nous a confié Geert Sciot, responsable de la communication de Brussels Airlines. Une décision pourrait tomber d’ici à fin avril. La compagnie n’exclut pas de transférer à Charleroi des vols » tourisme ou vacances » vers le sud de l’Espagne ou de l’Italie, des destinations non encore opérées, à ce jour, par la compagnie low cost, Ryanair, principal opérateur à Charleroi. Ou encore des destinations sur lesquelles elle fait face à beaucoup de concurrence (Genève, Nice, etc.) à Bruxelles.
Il n’est pas non plus question de baser des avions sur le tarmac carolo, l’organisation devrait prévoir des rotations journalières, mais avec un retour des appareils à Bruxelles à la fin de l’exploitation, le soir. Les dirigeants de BSCA, qui ne demandent qu’à diversifier leurs activités pour réduire le poids de Ryanair dans leurs recettes, se réjouissent de l’intérêt que leur porte maintenant Brussels Airlines. Ils avancent des arguments économiques susceptibles de convaincre le management (et les actionnaires) de la compagnie aérienne belge. Ils confirment l’intensification des discussions. » Sur le plan économique, notre argument est que Brussels Airlines est gagnante en délocalisant des vols (Palma, Turin, etc.) à Charleroi. Elle pourrait épargner près de 54 millions d’euros par an si elle met par exemple deux millions de passagers chez nous où la taxe par passager s’élève à 2,20 euros (contre plus de 20 euros à Brussels Airport) « , soutient Marcel Buelens, CEO de BSCA.
Pas d’inquiétude chez Ryanair
Le ministre wallon André Antoine (CDH, en charge de la politique aéroportuaire) défend aussi l’arrivée de Brussels Airlines à Charleroi. Même si l’absence du radar ILS qui permet aux avions d’atterrir par temps de brouillard fait défaut à Charleroi, il rappelle que les infrastructures carolos sont en mesure d’accueillir du trafic supplémentaire. En effet, BSCA, qui a traité environ 2,46 millions de passagers en 2007, a inauguré en janvier un nouveau terminal, moderne et digne d’un grand aéroport avec une capacité de 5 millions de passagers.
Ryanair ne semble pas s’embarrasser de l’arrivée de Brussels Airlines sur le tarmac carolo. » Nous ne sommes pas inquiets, car si Brussels Airlines commence des opérations à Charleroi, nous aurons toujours des tarifs plus bas qu’eux et les passagers ne risquent pas de se détourner de nous. Par ailleurs, je crois qu’ils vont opérer des destinations que nous n’offrons pas, ce qui peut amener une certaine complémentarité avec nos activités « , nous a expliqué Wilhelm Hamilton, responsable communication de Ryanair à Londres.
En aménageant un terminal low cost (17 millions d’euros d’investissement) dont la mise en service est programmée pour avril 2009, Brussels Airport suit la nouvelle stratégie d’autres aéroports (comme Marseille) et veut surtout profiter de la croissance du segment low cost pour attirer des compagnies à bas tarifs sur son tarmac. Ce qui ne fera pas l’affaire de Brussels Airlines (dont l’aéroport est actionnaire à près de 5 %) qui sera confrontée à davantage de concurrence avec l’arrivée de compagnies à bas tarifs qui bénéficieront de taxes par passager avantageuses. D’après Brussels Airport, actuellement, seul 3 % du trafic total à Bruxelles-National sont du low cost (SkyEurope, EasyJet, Vueling, etc.), soit 600 000 voyageurs sur un total de 17,8 millions de passagers en 2007. Et leur objectif est de capter 4 millions de voyageurs par an d’ici à 2012 dans le nouveau terminal low cost. L’aéroport doit encore déterminer les critères à remplir par les compagnies pour opérer dans la future infrastructure où la taxe par passager devrait être de 6 euros moins chère que dans le terminal classique. Ils sont attendus pour septembre ou octobre.
Il n’y a pas que Brussels Airlines qui est mécontente du projet de Brussels Airport Company. BATA, l’association des compagnies aériennes en Belgique (Brussels Airlines, TUI, Thomas Cook, VLM, etc.), a déploré l’absence de concertation dans le chef de l’aéroport bruxellois sur le sujet. Elle refuse toute discrimination par rapport aux nouveaux entrants et dénonce le fait que » les règles pour avoir accès au nouveau terminal sont prévues pour le rendre presque impossible pour toutes les compagnies » ou celles déjà présentes sur le site. Elle a rappelé que Bruxelles est l’un des aéroports les plus chers et qu’il devrait penser à réduire ses coûts et améliorer ses équipements.
Guy Mario