» Elisabeth Badinter omet l’écologie politique « 

Coprésidente d’Ecolo, Sarah Turine, 36 ans et deux enfants, réagit. Elle estime qu’Elisabeth Badinter connaît mal l’écologie et verse dans les clichés.

Le Vif/L’Express : Selon Elisabeth Badinter, la  » face cachée  » de l’écologie serait de renvoyer les femmes au foyer…

Sarah Turine : Dans un entretien qu’elle accorde au Point, elle affirme que  » les grandes crises climatiques sont une réalité millénaire qui n’ont pas attendu la pollution humaine « , que nous vivons  » dans un complet déni de l’Histoire « . Ses propos s’apparentent à ceux des climato-sceptiques (voir en page 74). Partant de là, elle ne peut en effet que tomber dans la caricature. Les écologistes ne prônent pas un retour à la bougie, ils tiennent compte des avancées technologiques. A l’inverse de ce qu’avance Badinter, il ne s’agit pas d’un retour en arrière, mais d’une prise de conscience générale, d’un progrès : il faut préserver la planète.

L’auteur fustige les écolos car ils feraient la promotion de la  » bonne mère écologique « . L’écologie serait-elle antiféministe ?

Elle omet l’écologie politique, qui défend l’émancipation de la personne et la démocratie participative. Ce courant politique ne s’adresse pas qu’aux hommes !

Elisabeth Badinter pointe aussi une  » offensive naturaliste  » sous couleur d’écologie. Elle accuse les verts de  » faire passer la nature avant les libertés féminines « , en proposant, par exemple, de taxer les couches jetables en France, sans se soucier du travail que cela impose aux mères. En Belgique, des communes offrent des primes aux parents qui achètent des langes lavables…

Il ne s’agit pas d’un retour au naturalisme, mais de prendre ce qui est bon et de renoncer à ce qui ne l’est pas pour notre société. On fait par conséquent d’autres choix de consommation. Et là, on ne peut pas contester que les langes lavables soient moins polluants et qu’à notre époque, avec le développement technologique, ils exigent à peine plus de temps et de manipulations. Elisabeth Badinter, en tout cas, fait fi de l’évolution des mentalités : aujourd’hui, les jeunes pères s’occupent de leur bébé ; ce qui était choquant voici deux générations est notre quotidien. Même si hommes et femmes n’assument pas encore à parts égales les tâches ménagères.

Revenons à la  » mère parfaite « . Doit-elle  » allaiter, faire des purées maison, se méfier de ce qui est artificiel, avoir des préoccupations écolos  » ?

Je ne vais pas donner des bons et des mauvais points ! Mais je parlerais plutôt de citoyens qui ont englobé cette conscience écologiste. Celle-ci a logiquement des effets sur l’éducation des enfants.

Il existe bien un conflit entre la femme et la mère. Entre les deux, la négociation est forcément douloureuse. A tel point, affirme l’auteur, qu’un grand nombre de femmes choisissent de ne pas faire d’enfants.

Il y a certes un malaise qui touche les femmes, tant c’est difficile de concilier activité professionnelle et vie familiale. Je sais de quoi je parle, je suis mère célibataire de deux garçons. Je rejoins Elisabeth Badinter lorsqu’elle dit que notre société est hyper-individualiste. Ce qui compte, c’est la réalisation de soi, l’épanouissement personnel, mais cette pression s’exerce autant sur les femmes que sur les hommes. Cela n’a rien à voir avec l’écologie.

Les politiques publiques ont aussi une part de responsabilités ?

L’Etat n’offre pas suffisamment de moyens aux parents actifs. Nous devons adapter les infrastructures, réfléchir à de nouveaux aménagements du temps de travail. Il y a une masse de gens au chômage, alors que ceux qui ont un boulot disent en faire trop. Ce combat concerne autant les hommes que les femmes !

ENTRETIEN : SORAYA GHALI

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