EADS-BAE Le crash d’une ambition

Berlin a bloqué le projet de fusion qui aurait fait des deux entreprises européennes le leader mondial de l’aéronautique et de la défense. Le groupe franco-allemand doit maintenant repenser sa stratégie.

 » Ci-gît l’Europe de la défense : 12 septembre 2012 – 10 octobre 2012.  » Ainsi pourrait s’écrire l’épitaphe d’une ambition qui a semblé prendre corps publiquement quelques semaines avant d’exploser en vol devant le refus allemand. Les industriels ont-ils été trop pressés ? Les Etats se sont-ils montrés trop frileux ? Huit jours après l’arrêt des discussions entre EADS et BAE, les différents acteurs de ce qui aurait pu être le deal du siècle restent sonnés.

 » Nous n’avions jamais imaginé faire face à une telle opposition contre l’accord « , a reconnu Tom Enders dans un courrier aux salariés. Les équipes d’EADS auraient-elles pu mieux préparer le terrain allemand ?  » Ne nous berçons pas d’illusions « , assure un très bon connaisseur du dossier. Enders a-t-il sous-estimé les logiques politiques à l’£uvre des deux côtés du Rhin ? A Berlin, la chancelière se débat avec une coalition où cohabitent tant bien que mal des pacifistes convaincus et une aile conservatrice (la CSU), bien décidée à défendre une industrie clé pour son  » royaume « , la Bavière. A Paris, le nouveau gouvernement avait à peine pris ses marques que Marwan Lahoud, n° 2 d’EADS, déboulait, à la fin de juin, lui vendre la fusion avec BAE. Le projet n’était pas dans les plans de Hollande. Les équipes du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, n’avaient même pas eu le temps de plancher sur le secteur ! EADS pensait apporter l’Europe de la défense sur un plateau à des gouvernants essorés par la crise de l’euro : enfin une bonne nouvelle ! Raté : à l’heure du repli sur soi et des craintes pour l’emploi, le projet a soulevé à Berlin et à Paris plus de problèmes qu’il n’apportait de solutions.

Attaque bille en tête

Comment se relever de cet échec ?  » Aucun rapprochement ne pourra se faire sans une concertation très forte entre la direction et les actionnaires « , martèle Loïc Tribot La Spiere, délégué général du think tank CEPS. A vouloir précipiter EADS dans une nouvelle ère, qui l’aurait débarrassée de l’ingérence des Etats et ancrée aux Etats-Unis, Tom Enders a attaqué les gouvernements bille en tête.  » Il veut faire d’EADS une entreprise normale. C’est très « hollandien », mais il n’a pas la rondeur politique d’un Hollande « , ironise un observateur. L’opération aura au moins démontré les limites de l’actuelle gouvernance. Le chantier de l’actionnariat, déjà ouvert par la volonté de Daimler et de Lagardère de sortir du capital, devient urgent. Dès le 12 octobre, le sujet était remis sur la table avec les équipes de Daimler. EADS va aussi devoir reconstruire sa vision stratégique. Et vite – les dirigeants se donnent trois mois. Avec une question centrale : faut-il continuer à chercher à rééquilibrer les activités civiles et militaires ?

VALÉRIE LION

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