A force d'avoir raconté son expérience dans une grosse production chinoise, Rosario Amedeo en a fait un spectacle. © Leslie Artamonow

Du Borinage à Beijing

Dans Jackie Chan et moi, Rosario Amedeo revient sur l’itinéraire mouvementé qui l’a mené de l’académie de Colfontaine à une superproduction chinoise. Un (quasi) seul-en-scène qui dévoile les hauts et les bas de sa vie d’artiste.

En décembre 2012, à Beijing, dans le célèbre stade olympique surnommé « le nid d’oiseau », se déroule le gala de présentation du nouveau film de et avec Jackie Chan, Chinese Zodiac, devant des milliers de spectateurs. Ce soir-là, sur le tapis rouge, parmi l’équipe du film porté par l’acteur, cascadeur et réalisateur né à Hong Kong, il y a un comédien originaire du Borinage, petit-fils d’immigrés siciliens au regard bleu acier et aux faux airs de Sting: Rosario Amedeo. A l’écran, il incarne Pierre, homme de main d’un collectionneur, dans un film d’aventure tournant autour de douze sculptures en bronze pillées par les Français et les Britanniques lors de la mise à sac historique du Palais d’été des empereurs chinois, en 1860.

J’ai toujours joué le rôle du sale type. Dans la vie, je suis pourtant quelqu’un de gentil!

« Ce film a été ma plus belle aventure cinématographique, même si j’avais un rôle de bad guy, s’enthousiasme Rosario Amedeo. Je me suis rendu compte que dans tout ce que j’ai fait dans le milieu de l’image, j’ai toujours joué le rôle du sale type. Pour Plus belle la vie, j’ai tourné cinquante-cinq épisodes où j’incarnais un pasteur brésilien pervers. Je ne sais pas pourquoi. Dans la vie, je suis pourtant quelqu’un de gentil! »

En cinq jours

Son expérience hors du commun dans une grosse production de cinéma chinois, dans un studio énorme où était notamment reproduite une île, avec trois cents personnes présentes sur le plateau, Rosario Amedeo a été amené à la raconter bien des fois au fil des ans et des rencontres. « On m’a souvent dit que je devais écrire cette histoire, beaucoup de gens dans le métier m’y ont encouragé. » Notamment Jean-Michel Van den Eeyden, ami de longue date, metteur en scène, acteur et pédagogue, actuellement à la tête du théâtre de l’Ancre à Charleroi, sous la direction duquel Rosario Amedeo avait joué dans Push Up, de Roland Schimmelpfennig, en 2008. « Et puis, un accident s’est produit, raconte Rosario Amedeo. Jean-Michel avait organisé un apéro-lecture où Riton Liebman devait lire son prochain seul-en-scène. Mais Riton s’était désisté parce qu’il reprenait au pied levé un rôle à Paris. Jean-Michel m’appelle le lundi pour savoir où j’en étais avec mon texte sur Jackie Chan et si je pouvais faire cette lecture le samedi. Je n’en étais nulle part, mais j’ai accepté. »

Du Borinage à Beijing
© Leslie Artamonow

En cinq jours, Rosario Amedeo couchera sur le papier son histoire et présentera lors de cet apéro-lecture un texte, Jackie Chan et moi (1), qu’il n’avait encore jamais lu à personne. « J’ai commencé en m’excusant d’être là, se rappelle-t-il, puisque ce n’était pas vraiment prévu, j’étais un peu une rustine, mais j’ai pris un plaisir dingue à partager ce récit. A la fin de la lecture, Jean-Michel a pris le micro et a dit publiquement que si j’étais d’accord, il voudrait le mettre en scène et produire le spectacle. L’ aventure a commencé ce soir-là. »

Plus vraie

Au fil de la création, le texte a été retravaillé plusieurs fois. Neuf versions au total, creusant dans différentes directions. Mais à la fin, c’est à la version originale que l’équipe est revenue. « Parce que cette première version était plus spontanée, plus incisive, peut-être plus maladroite mais tellement plus vraie, précise le comédien. Le spectacle parle de Jackie, mais aussi de ce qui a précédé et de ce qui a suivi. De mon rapport à la famille, à mon enfance, de mes doutes, du regard des autres… C’est le parcours d’un enfant de la cité, avec ses hauts et ses bas. » Précisément la cité de la Croix Rouge, à Wasmes, dans la commune de Colfontaine, où Rosario Amedeo est d’abord élevé avec ses deux soeurs par ses grands-parents, puisque ses parents, chanteuse et saxophoniste, étaient constamment en déplacement. Jusqu’au moment où la charge des petits-enfants est devenue trop pesante pour la nonna, ce qui a contraint le couple d’artistes à interrompre leur carrière, avec une certaine amertume.

Contre les recommandations parentales, Rosario Amedeo s’est, lui aussi, lancé dans la voie artistique, avec un double parcours en musique – notamment quatre années de piano jazz avec Eric Legnini au conservatoire de Bruxelles – et en art dramatique. Tâtant des planches (on l’a vu souvent dans les spectacles de Michel Dezoteux: Hamlet, Le Revizor, La Cerisaie…), du petit et du grand écran, et par ailleurs enseignant. Il a aussi créé Chambre noire, une société de production spécialisée en audiodescription, et vient de finir le tournage de son premier documentaire, My Little Italie (2), réalisé avec Franco Lombardo, où des nonne du Borinage croisent leurs pratiques culinaires traditionnelles avec des chefs étoilés. « Créer Jackie Chan et moi n’a fait que confirmer que je suis très heureux et fier de mon parcours, conclut-il. Je prends aujourd’hui avec plus de distance des choses que l’on dit graves mais qui ne le sont pas tant que ça. »

(1) Jackie Chan et moi, aux Ecuries, à Charleroi,du 25 au 27 novembre, et au Théâtre Varia, à Bruxelles, du 10 au 17 mars 2022.

(2) Le documentaire My Little Italie sera diffusé à la Maison Folie, à Mons, du 10 au 12 décembre lors d’un week-end sur la gastronomie italienne porté par la Fondation Mons 2025.

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