Devenez noble

L’aristocratie belge se porte bien. Mieux : selon la sociologue Valérie d’Alkemade, auteur de Sang bleu belge (Labor),  » elle revit « . Avec la Grande-Bretagne et l’Espagne, la Belgique est le seul pays où le souverain confère encore des concessions de noblesse.

L’anoblissement resterait  » le dernier réel pouvoir offert sans partage à la royauté  » : en dépit du contreseing ministériel, obligatoire,  » il est de notoriété publique que, dans ce domaine, le souverain a toute latitude « , précise Valérie d’Alkemade. Pourtant, dès 1831, cette prérogative royale n’a été inscrite dans la Constitution qu’à la condition de n’accorder aucun privilège aux anoblis. A la suite de Napoléon Ier, qui avait réintroduit la coutume pour  » services rendus à la Nation « , ses partisans avaient défendu une  » tradition à caractère social « , qui récompensait des personnes méritantes.

En 1978, la création d’une Commission d’avis sur les concessions de faveurs nobiliaires a conforté cette évolution. Composée de 14 membres au plus, dont la moitié sont roturiers, elle veille à la parité linguistique et à la diversification sociale des bénéficiaires.

La première condition est d’être royaliste et patriote. Mais il ne faut pas nécessairement prendre les armes pour défendre son pays, même si chaque après-guerre a été une période propice aux concessions. Créer de l’emploi serait aussi une façon de servir son roi et son peuple, de participer au  » rayonnement de la nation « .

De 750 à 3 000 euros à charge de l’anobli

Baudouin est le souverain qui a le plus regarni les rangs de l’aristocratie, avec une moyenne de 7,8 anoblissements par an, pour 2,9 au temps de Léopold Ier. En 1993, il a même octroyé 31 faveurs. A première vue, au rythme d’une dizaine de concessions par an, Albert II maintient la cadence. Les personnes distinguées appartiennent majoritairement au milieu des affaires, puis, par ordre décroissant, au monde de la culture, de la politique, du barreau, des sciences, de l’armée… Pour que les lettres patentes soient authentifiées, elles doivent s’acquitter de divers droits, d’environ 750 euros pour l’anobli à 3 000 euros s’il a cinq enfants en ligne directe, par exemple.

En principe, Albert II n’accorde plus de titre supérieur à celui de baron, sauf exceptions, pour avoir voyagé, dans l’espace, par exemple, comme ce fut le cas du vicomte Dirk Frimout. En outre, le titre concédé est généralement viager, alors que dans le passé il était presque toujours héréditaire. Certains y voient une influence de la tradition britannique ; d’autres, un ménagement des sensibilités de gauche, peu favorables à cette coutume. A l’automne dernier, la suppression des faveurs nobiliaires a toutefois été proposée par le sénateur Jean-Marie Dedecker (VLD), même si celui-ci n’a pas été soutenu par son parti.

Cette  » mode qui consiste à anoblir des sportifs ou des acteurs  » est aussi dénoncée par l’aristocratie  » de vieille souche « , qui fustige par ailleurs  » la nécessité de donner, presque systématiquement, une couronne de baron aux chefs d’entreprise les plus puissants « . Comme si elle doutait des capacités d’Eddy Merckx, d’Adamo, de Toots Thielemans ou d’Albert Frère à  » vivre noblement « , à faire valoir  » des mérites éminents et une attitude irréprochable, de préférence discrète et modeste « .

La Commission d’avis mène pourtant une enquête avant chaque anoblissement. Ce qui n’exclut pas toute erreur de jugement. En 1996, certains avaient estimé qu’à 35 ans Marie-France Botte, qui luttait contre la prostitution enfantine, était trop jeune pour devenir baronne : elle s’est vu par la suite reprocher des malversations. En 1993 fut aussi anoblie une femme écrivain, qui était parue sur la couverture d’un de ses livres dans le plus simple appareil ou presque. L’aristocratie s’accommode mal de ce genre de publicité.

Dorothée Klein

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