Depuis le début de 2017, les malades de longue durée sont soumis à la réintégration au marché de l’emploi. Avec quel résultat ? Dans sept cas sur dix, les employeurs prétendent qu’aucun travail adapté ou autre n’est disponible chez eux et les malades sont alors licenciés sans la moindre indemnité.
Notre pays compte près de 400 000 malades de longue durée, c’est- à-dire près d’un Belge sur vingt entre 20 et 64 ans. Leur nombre a doublé ces quinze dernières années. Depuis 2017, les ministres Maggie De Block (Open VLD, Santé) et Kris Peeters (CD&V, Emploi) s’emploient à remettre au travail les personnes qui sont tombées malades depuis trop longtemps. Tous les malades de longue durée doivent remplir un questionnaire de la mutualité. S’ils ne le font pas, ils perdent 5 % de leur allocation pendant un mois. Ceux qui entrent en ligne de compte pour une reprise du travail seront renvoyés chez le médecin du travail, lequel va devoir répertorier les malades en cinq catégories : incapacité de travail temporaire ou permanente, possibilité d’être intégrés temporairement ou en permanence à une trajectoire de travail adapté ou autre.
Le travail reste la base de tout développement spirituel sain.
Au cours de la session de la commission sur la nouvelle loi de réintégration, en décembre 2016, le député PTB Raoul Hedebouw avait mis en garde contre le fait que la nouvelle loi avait surtout un objectif budgétaire : les chômeurs » coûtent » moins cher que les malades.
Le volet le plus dangereux de la nouvelle loi sur la réintégration réside dans le manque de protection proposé par la loi en cas de licenciement.
Il n’a pas fallu attendre longtemps avant que les syndicats ne tirent la sonnette d’alarme. La FGTB et la CSC ont demandé les chiffres des six premiers mois de 2017 et il en est ressorti que plus de 70 % des personnes convoquées ont été déclarées définitivement inaptes, puis licenciées. Un appel contre la décision du médecin du travail n’a été accepté qu’une seule fois. Dans moins de trois cas sur dix, un travail adapté avait été proposé.
La FGTB qualifie ces trajectoires de réintégration des malades de longue durée, introduites en décembre, de » machine à licenciement sans frais » pour le patronat. Le syndicat fait en outre mention de » pratiques scandaleuses » de la part des employeurs, qui inciteraient les travailleurs à enclencher eux-mêmes la procédure, » parfois via des lettres types, sans mentionner que cela peut déboucher sur une rupture de leur contrat pour faute grave et, partant, sans indemnité « .
L’augmentation du nombre de malades de longue durée résulte en premier lieu de l’obligation de travailler plus longtemps. Aux syndicats qui protestaient énergiquement et prétendaient que travailler plus longtemps était impossible physiquement et mentalement, on a dit : » Ne vous faites pas de souci, nous allons assurer du « travail adapté. » Mais, lors d’une « table ronde sur le travail adapté » , Kris Peeters transformait brusquement le « travail adapté » en « travail adapté et auquel s’adapter ». Il en résultait davantage de flexibilité, davantage d’heures supplémentaires, moins de contrôle par les syndicats et une érosion accrue de la journée des 8 heures et de la semaine de 5 jours.
Ainsi se précisent progressivement les contours du parcours de vie moderne : on va devoir bosser jusqu’à la mort. La sortie vers la prépension est fermée. Aujourd’hui, la porte se ferme aussi à la maladie de longue durée. Il ne reste par conséquent plus qu’une seule porte, celle qui mène au CPAS. Pour ceux qui en ont « réellement besoin » , entendons-nous bien. Terminée, donc, la sécurité sociale, terminée, l’assurance avec cotisations et droits, retour à l’assistance et bienvenue au xixe siècle !
Jamais encore dans l’histoire autant de conditions n’ont été réunies pour un travail épanouissant et sain. Le progrès technologique fait disparaître la contradiction entre travail manuel et travail intellectuel. La production nécessaire peut être réalisée en un temps de plus en plus court. Le travail reste la base de tout développement spirituel sain. Il donne du sens à la vie sous forme d’une transformation consciente de la nature.
Mais, en même temps, jamais notre société n’a été aussi fatiguée et malade. Et il y a une raison à cela : la production, sous le capitalisme, n’a absolument pas pour but de satisfaire les besoins humains. C’est le profit qui domine tout. Au lieu d’une coopération, c’est la concurrence et la rivalité qui s’installent. Au lieu d’une rémunération honnête vient la charité. Au lieu du respect et de l’appréciation, viennent la pression et le mépris. Les conséquences se font sentir : burnout, dépression et douleurs chroniques. Orientons le débat vers le point principal : le respect du travail.