Désir a-t-il un avenir ?

Le nouveau premier secrétaire du Parti socialiste français doit imprimer sa marque dès le congrès de Toulouse

s’il veut espérer

être audible

à gauche.

Pas gagné.

Une ministre :  » Il ne franchit pas le mur du son quand il parle.  » Un député influent :  » Il fait de l’air avec sa bouche, je ne l’ai jamais entendu dire quelque chose d’intéressant.  » Un poids lourd du gouvernement :  » Vous me demandez quel rôle peut jouer Désir ? Euhà [Silence ] Quel rôle ? [Nouveau silence ] Disons, celui deà diriger le Parti socialiste.  » Avec 72 % des suffrages, Harlem Désir a été sacré avec une avance qui ne souffre, cette fois, aucune contestation – contrairement au scénario de 2008. Et pourtant, rarement vainqueur aura été si décrié, hors micros, par ceux-là mêmes qui l’ont soutenu. Il y a vingt-cinq ans, le jeune homme à la coupe afro incarnait avec charisme SOS-Racisme. L’Express faisait sa couverture sur un  » franc-tireur « , Le Figaro Magazine encensait le  » meilleur prêcheur de l’église cathodique « , Le Monde saluait la  » génération Désir « . Depuis qu’il a quitté le monde associatif, son style appliqué mais coincé et ses phrases qui noient le poisson ont fait de lui un apparatchik inaudible.  » Vous êtes bon pour le concours Miss France, avec ces banalités « , lui lance, en mai, Laurent Ruquier, dans On n’est pas couché.  » J’ai vu, pendant la primaire, le bonheur des gens d’être ensemble « , était en train d’expliquer Désir. Ces quatre dernières années, l’eurodéputé a reçu le titre de  » langue de bois d’or  » par les journalistes qui suivent le PS. Déjà que la gauche peine à faire passer ses messagesà L’ex-étendard de la lutte antiraciste veut démontrer qu’il n’est pas un choix par défaut. A 52 ans, il jure qu’il va se lâcher, maintenant qu’il est enfin n° 1 – il fut successivement proche de Bertrand Delanoë, de Martine Aubry puis de François Hollande.  » J’ai été, il y a longtemps, un leader qui a su mettre la société en mouvement « , rappelle-t-il. Il promet des  » ateliers du changement « , le  » retour des militants au premier plan « , des débats en pagaille, la parité à tous les niveaux, le renouvellement générationnel, l’ouverture sur la société.  » Le PS va être une force de démocratie participative « , ajoute-t-il, recyclant un concept développé par Ségolène Royal.

Condamné à étonner pour exister

Déjà, il hausse le ton. Le 17 octobre, à la veille de son élection, il est en meeting à Alfortville, près de Paris. A la tribune, il fait assaut de formules. François Fillon ?  » Il est peut-être en train de voler le pain au chocolat de Jean-François Copé.  » Le mariage homosexuel ?  » Ce n’est pas parce qu’à droite ils ne s’aiment pas qu’ils doivent empêcher ceux qui s’aiment de le faire.  » A la fin, les militants se ruent surà Manuel Valls, qui est assis au premier rang. La vedette avec laquelle on se prend en photo, c’est le ministre de l’Intérieur. Cruel : le discours de Désir ne sera pas repris dans les journaux. Seuls quatre reporters sont venus, et encore deux d’entre eux ont quitté Alfortville avant la fin.

Faute de poids politique, Harlem Désir est condamné à étonner pour exister – il fait acte d’autorité en reprenant en main la sul- fureuse fédération des Bouches-du-Rhône – et à marquer quelques distances avec le gouvernement. Sur la procréation médicalement assistée comme sur l’objectif de 3 % de déficit en 2013, il s’est déjà écarté de la ligne officielle. Jusqu’où pourra-t-il aller ? Les barons qui l’ont fait roi exigeront de lui la loyauté. Ses amis, les vrais, soutiennent que ce gros bosseur va surprendre, que sa discrétion a été jusqu’à présent son meilleur allié pour gravir les échelons.  » Relisez les livres d’histoire, glisse l’un d’eux. Ils sont remplis d’hommes de paille. Que disait-on de François Hollande quand Lionel Jospin l’a installé ? « 

MARCELO WESFREID

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