Désespérante Europe

Y A-T-IL UN PILOTE DANS L’AVION EUROPÉEN ? LA GESTION de la crise grecque avait déjà permis d’observer les tergiversations répétées des dirigeants sur la meilleure manière d’en sortir, entre l’interventionnisme des uns et l’extrême prudence des autres. Avec la crise chypriote, l’Union européenne a ajouté la confusion à l’intervention tardive.

En échange du prêt de 10 milliards d’euros promis à Nicosie, l’Union européenne (le président de l’Eurogroupe Dijsselbloem et le commissaire aux Affaires économiques Rehn), le Fonds monétaire international et le président chypriote nouvellement élu, Nikos Anastasiadis, se sont accordés, le week-end dernier, sur un certain nombre de mesures censées rapporter quelque 7 milliards d’euros : un programme de privatisation, une hausse de l’impôt des sociétés et… une taxation des avoirs bancaires. Mais en souscrivant à l’inclusion des dépôts de moins de 100 000 euros dans ce prélèvement, les Européens ont renié leurs engagements (le système de garantie des dépôts en dessous de ce montant), bafoué le principe d’égalité (pourquoi les seuls Chypriotes ?) et provoqué une inutile panique chez les petits épargnants européens (parce qu’un tabou a été levé). Pouvait-on imaginer message plus dévastateur pour régler un problème certes sensible mais qui affecte un Etat dont l’économie ne représente que 0,2 % du PIB de la zone euro ? Ne pouvait-on pas trouver une alternative à une disposition dont on pouvait pressentir qu’elle relèverait du  » one shot  » et risquerait de réduire la confiance dans les banques bien au-delà d’une île d’à peine plus d’un million d’habitants ? Une mesure, qui plus est, que les autorités chypriotes seraient de toute façon contraintes d’amender devant la colère populaire et la fronde parlementaire ?

Les manifestations, parfois violentes, au Portugal, en Espagne, en Grèce, le désenchantement grandissant à l’égard de la politique européenne, la montée de formations politiques populistes ou extrémistes en Grèce ou ailleurs, le coup de semonce électoral dans un pays fondateur du projet européen comme l’Italie n’auront donc rien appris aux dirigeants de l’Union. Après l’irruption sur la scène politique de la péninsule de l’histrion anti-européen Beppe Grillo, nombre d’observateurs ont placé l’Europe devant ses responsabilités : il fallait soit alléger les mesures d’austérité touchant les plus défavorisés, soit poursuivre l’effort d’assainissement mais en en expliquant mieux la motivation et la portée. Dans le règlement initial du dossier chypriote, les dirigeants européens ont réussi l’exploit de conjuguer injustice sociale et absence criante de pédagogie. Plus fort, ils sont parvenus à saper un peu plus la confiance dans les banques et dans l’institution européenne.

Ce constat n’enlève rien à la nécessité d’assainir les finances de Chypre, voire à l’utilité de ponctionner les fortunes russes qui y ont trouvé un bienveillant refuge depuis des années (quoique l’accusation de blanchiment d’argent est avancée sans discrimination). Mais là aussi, le diagnostic renvoie à une incohérence de l’Union européenne qui n’a pas été très regardante sur ce fardeau lors de l’adhésion de Chypre à la zone euro, après avoir accueilli la Grèce et son budget trafiqué. Pauvre Europe !

Dans le dossier chypriote, les Européens conjuguent injustice sociale et absence de pédagogie

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire