Des  » Russes  » à Bruxelles

La nébuleuse loubavitch du Quartier européen, à Bruxelles, fait montre d’un entregent sans égal auprès des institutions européennes.

Créé en 2001 et toujours présidé par un rabbin loubavitch, Gershon Garelik, le Rabbinical Center of Europe (Centre rabbinique d’Europe) refuse néanmoins l’étiquette  » loubavitch « , bien qu’il se place dans le sillage de ce mouvement orthodoxe pour ce qui est de sa mission principale : ramener les juifs vers la pratique religieuse et répandre la  » lumière  » du judaïsme.

Né à la fin du xviiie siècle à Loubavitch, en Biélorussie (d’où le surnom de  » Russes « ), le mouvement loubavitch a été dirigé, de 1951 à 1994, par le très charismatique  » rebbe  » de Brooklyn, Menahem Mendel Schneerson. Pour certains adeptes, il était le Mashiah (Messie). Mais il est resté sans descendance, ce qui pose un problème de leadership car, dans ce courant religieux, le rabbinat est héréditaire.

Les deux VRP du Centre rabbinique d’Europe sont le rabbin Garelik-fils, Moshe de son prénom, 36 ans, et le rabbin Levi Matusof, 30 ans, également issu d’une lignée de rabbins. Levi Matusof est un as du  » networking « , un pro de la levée de fonds, mais il fuit les journalistes. En moins de huit ans, il s’est rendu indispensable dans les sphères les plus diverses de la société européenne, où son entregent fait merveille.

D’après le mensuel Contact J (janvier 2008), le CRE possède ou loue, à travers l’une de ses sociétés, la European Jewish Building, une demi-douzaine d’immeubles dans le Quartier européen. Ceux-ci abritent notamment une synagogue et une crèche-école traditionaliste fréquentée par une quarantaine d’enfants âgés de quelques mois à 7 ans. S’y trouvent également les locaux d’une vingtaine d’ASBL dédicacées (femmes, seniors, médecins, centre rabbinique, etc.).

Grâce au duo Garelik-Matusof, la culture hassidique d’Europe orientale, qui n’a survécu au génocide nazi qu’à travers ses surgeons israéliens et américains, fait un surprenant retour dans la capitale de l’Europe. Pourtant, ces  » hommes en noir  » (différents par leur tenue et par leur militantisme des orthodoxes d’Anvers) ne  » collent  » pas avec la pratique sécularisée de la plupart des juifs de Belgique. Ils font de l’ombre à des institutions plus classiques, par exemple, la Conférence des rabbins européens, en  » lobbyant  » auprès des institutions européennes.

 » Ce sont des missionnaires du judaïsme, analyse Nicolas Zomersztajn, rédacteur en chef de Regards, la revue du Centre communautaire laïc juif de Belgique. Les non-juifs ne les intéressent pas, ce qui les distingue des Frères musulmans avec lesquels on peut les comparer pour leur effort de « re-judéisation » par la base. Ils n’ont pas non plus de projet politique global ni ne sont le moins du monde violents, Ils sont jeunes, très anglophones, toujours en mouvement. Dans les milieux juifs, on les apprécie parce qu’ils ont une façon assez cool et sympa d’aborder les gens sans les culpabiliser. Mais leur messianisme et le culte qu’ils vouent à leur chef spirituel effraient les juifs laïques, lesquels n’apprécient pas non plus leur soutien aux colonies dans les Territoires palestiniens et leur influence sur le statut personnel (mariage, enterrement, conversion, etc.) des citoyens juifs d’Israël.  »

M.-C.R.

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