Des proximités dérangeantes

On savait que le procès Dutroux serait difficile. A ce point, c’est inquiétant. La démagogie est autant dans la salle des assises, à Arlon, qu’à l’extérieur, devant les caméras ou sur les plateaux de télévision. Dernier exemple en date : les prestations de Jean-Denis Lejeune et du dessinateur et humoriste Philippe Geluck à la RTBF et sur RTL-TVI. Le premier, qui exerce une fonction d’intérêt public à Child Focus, n’assiste qu’épisodiquement aux audiences. Au sortir de celles-ci, il déclare généralement, l’£il désappointé, que ses questions sont restées sans réponse. Mais, quand l’occasion se présente d’en recevoir, des réponses fermes, par exemple à propos de la  » piste Ferette  » (du nom d’un affabulateur hutois), dont même le procureur Michel Bourlet dit qu’elle ne débouchait sur rien, il n’est pas là. C’est un fait : les parents liégeois se sont avancés très loin dans la  » contre-instruction  » et la médiatisation de cette piste, pourtant étudiée dans les moindres détails par les enquêteurs de Neufchâteau. Ils aideraient à la compréhension de tous, qui les assurent de leur estime ou de leur compassion, en admettant que réponse a été donnée à au moins une de leurs questions. Au lieu de quoi, Jean-Denis Lejeune se lance dans un plaidoyer en faveur du rétablissement de la peine de mort pour certains types de crimes. Ces parents qui, en 1996, avaient refusé de s’associer à la pétition de l’ASBL Marc et Corinne en faveur des peines incompressibles auraient-ils à ce point changé ? Philippe Geluck, lui, évoque la  » cour martiale  » pour les gendarmes qui ont raté leurs enquêtes. La gendarmerie, nouvelle cible ! Avec près de huit années de retard, certains s’aperçoivent que la stratégie d’occupation du terrain judiciaire adoptée, avec la bénédiction des socialistes flamands, par l’ancien  » corps d’élite  » a conduit à la rétention d’informations capitales. Sans ce blocage, peut-être aurait-on pu sauver ou épargner des souffrances innombrables aux victimes de Marc Dutroux.. Mais les propos de l’humoriste belge, qui avoue ne plus avoir confiance dans la justice de son pays, confinent à l’ignoble lorsqu’il attaque le – futur – témoignage de Sabine Dardenne sous le prétexte que son avocat, Me Jean-Philippe Rivière, est également celui du gendarme René Michaux. Où l’on voit se redéployer la trame d’un nouveau grand complot : Michel Nihoul, ancien indicateur de la gendarmerie, Sabine manipulée par son avocat, des cassettes vidéo volatilisées à l’état-major, Jacques Langlois, juge inexpérimenté mis sous cloche par son chef d’enquête, l’ex-gendarme Michel Demoulin… A l’exception de notre confrère Roland Planchar, de La Libre Belgique, personne, sur le plateau de RTL-TVI, n’a ramené ces propos à des proportions démocratiquement raisonnables.

Plus le procès va, plus les extrêmes se touchent dans la dénonciation indistincte des institutions, bien loin des faits concrets – et affreux – qui doivent être jugés à Arlon. A cet égard, il faut rapprocher Le Dossier Nihoul, les enjeux du procès Dutroux, de Herwig Lerouge (EPO), du Dutroux, te veel om te geloven (trop pour y croire), écrit par le député Vlaams Blok Gerolf Annemans. Le premier auteur, qui a pioché allègrement dans le dossier d’instruction, détaille, noms à l’appui, tous les trafics d’influence dans lesquels a trempé Michel Nihoul, pour étayer la thèse de l' » organisation criminelle à quatre  » chère à Mes Georges-Henri Beauthier et Jan Fermon. On ne peut s’empêcher de penser que ceux-ci entraînent leur jeune cliente, Laetitia Delhez, dans un mauvais feuilleton pour assouvir leurs passions politiques – d’extrême gauche dans le cas de Jan Fermon (Parti du travail de Belgique).

Quant au député d’extrême droite, il a tout intérêt à jeter le discrédit sur la justice et la police et, en particulier, celles du sud du pays. Child Focus a repoussé son offre de lui reverser le bénéfice des ventes de son livre. Certaines proximités sont vraiment dérangeantes.

par Marie-Cécile Royen

Au procès Dutroux, la démagogie est autant dans la salle des assises, à Arlon, qu’à l’extérieur, sur les plateaux de télévision

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