Des nouvelles de Livingstone

Christie’s va vendre aux enchères une missive que le célèbre explorateur britannique abandonna dans une bouteille à l’embouchure du Zambèze

C’est l’histoire vraie d’une lettre trouvée dans une bouteille. Une missive abandonnée sur un banc de sable, à l’embouchure du Zambèze, le 25 mai 1859, par un certain David Livingstone, consul des colonies britanniques de l’Afrique de l’Est et explorateur distingué de Sa Majesté. Les 7 et 8 avril, à Londres, Christie’s a mis aux enchères le précieux pli, avec le reste de la faramineuse collection de feu Quentin Keynes, photographe de la vie sauvage et arrière-petit-fils d’une autre vieille gloire britannique, Charles Darwin.

Mai 1859. Depuis près d’un an, le Dr Livingstone, découvreur des chutes Victoria en 1855, parcourt les jungles inexplorées de l’Afrique australe. A l’embouchure du fleuve Zambèze, il fait halte une semaine sur un îlot du delta, le temps d’attendre un navire de la Royal Navy qui n’arrivera jamais. Ou plutôt qui viendra trop tard : Livingstone et ses hommes sont déjà repartis. Un marin du HMS Persian découvre un flacon. A l’intérieur, un message, où Livingstone raconte que  » plusieurs membres de l’expédition ont souffert de fièvres, heureusement sans gravité  » et réclame des vivres et des provisions de sel. Détail insolite, sa lettre indique également la position géographique de la bouteille où est glisséeà la lettre :  » Déposons ceci dans une bouteille à dix pieds au nord magnétique d’une marque incisée dans la borne de l’île.  » Signe de fatigue, diagnostiquent finement les experts.

Le chirurgien du bord récupéra le billet, que sa famille conservera précieusement jusqu’à sa vente aux enchères, en 1957. Une occasion inespérée pour Quentin Keynes, fougueux aventurier de 36 ans :  » Romantique comme je le suis, j’ai toujours ardemment désiré posséder un manuscrit original de Livingstone rédigé lors de l’une de ses expéditions africaines, écrit-il en 1973 dans un essai consacré à l’illustre missionnaire. Dans les récits d’aventures que je lisais enfant, les explorateurs avaient l’habitude d’envoyer leur courrier dans des bouteillesà  » Tom Lamb, expert en manuscrit chez Christie’s, confirme :  » On s’imagine que ces messages sont une invention romanesque, mais la réalité s’avère parfois plus fabuleuse encore que la fiction.  » Pour Margaret Ford, directrice du département des manuscrits de Christie’s, le document est d’autant plus précieux qu’il fait écho au journal tenu par l’explorateur :  » C’est la preuve factuelle d’événements dont nous avions connaissance d’après ses carnets.  »

En 1958, Keynes part sur la piste de sa lettre chèrement acquise, dans le delta du Zambèze. Déçu de ne trouver aucune trace de l’emplacement où fut découverte la bouteille, il se console en rencontrant un autochtone dont le grand-père avait côtoyé Livingstone. L’homme lui indique une marque sur le tronc d’un baobab : les initiales D et L entrelacées, identiques au paraphe du docteur. Depuis, le gouvernement du Mozambique a classé le baobab monument historique.

La collection de Keynes, évaluée à 3 millions de livres, comporte d’autres trésors d’une époque où les directeurs de journaux étaient assez fous pour envoyer leurs reporters à la recherche des explorateurs disparus en brousse : ainsi le Britannique Henry Stanley, du New York Herald, parti de Zanzibar, finit par débusquer le Dr Livingstone ( » I presume ? « ) à Ujiji, sur les rives du lac Tanganyika, avant de continuer son chemin, effectuant la première traversée de l’Afrique d’est en ouest. Dans le lot, une autre correspondance de Livingstone qualifie son confrère, sir Richard Burton, découvreur des sources du Nil, d’épouvantable ruffian et doute de la véracité de son voyage à La Mecque. Selon les experts, la lettre du Zambèze  » valait  » entre 25 000 et 35 000 livres sterling. Mais l’histoire ne dit pas ce qu’il est advenu de la bouteille.

Marion Festraëts

ôCe document est la preuve factuelle d’événements contés dans ses carnets »

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