Hassan Bousetta, sociologue, spécialiste des questions de diversité. © DR

« Des diversions d’acteurs politiques impuissants »

Hassan Bousetta est sociologue des migrations à l’ULiège et ancien sénateur socialiste. Avec l’écrivaine Malika Madi et l’enseignant Mustapha Finnich, il vient de lancer divercite.be, un site d’information et d’analyse sur les questions de diversité.

La façon dont le conflit israélo- palestinien a été débattu en Belgique en fait-elle une « cultural war », dont le seul effet se mesure en coûts et bénéfices communicationnels?

C’est le sociologue américain J.D. Hunter qui a popularisé le concept des guerres culturelles. Son idée était d’analyser les oppositions entre majorités morales et minorités culturelles et les tensions sur des sujets comme le droit des minorités ethniques, raciales, sexuelles… J’en retiens l’idée d’une polarisation autour d’enjeux qui ne se réduisent pas au seul antagonisme entre classes sociales. C’est pourquoi il est sage de définir les guerres culturelles de façon restrictive comme des arènes de conflictualité communicationnelles, des guerres de cadrage, de framing. Elles produisent des camps en opposition mais ne sont pas nécessairement structurantes dans la vie sociale. A ce sujet, le conflit israélo-palestinien a beaucoup de choses à nous dire. Il est tout à la fois un enjeu politique et symbolique et un conflit bien réel. Il ne faudrait pas l’oublier. La dernière séquence de violence l’a encore montré. Il y a un grand paradoxe entre le camp de ceux qui ici affirment la primauté du droit et se solidarisent là-bas au nom de l’identité et ceux qui, selon l’autre camp, abusent ici de l’identité et se solidarisent là-bas au nom du droit.

Les incessantes polémiques sur l’islam, les dénonciations de la « cancel culture », les discours de haine sur les réseaux sociaux ne démontrent-ils pas que la Belgique francophone est entrée dans la crispation identitaire?

L’ espace européen n’est pas épargné. Même si cette polarisation y prend d’autres formes, elle nous rattrape et a tendance à se durcir dangereusement. Partout en Europe, on voit l’extrême droite se réorganiser et les affrontements sur l’identité de nos sociétés se réactiver. Ce sont des préoccupations réelles mais elles sont aussi le produit d’une diversion d’acteurs politiques impuissants à enrayer le déclin. La France en est une illustration quasi paradigmatique.

Dans La Diversité contre l’égalité, Walter Benn Michaels estimait que la gauche, en se focalisant sur les questions de discriminations, en avait abandonné la lutte contre la domination économique. Que lui répond le militant socialiste qui lance un média baptisé divercite.be?

Cette thèse est stimulante mais n’épuise pas le débat. Dans nos sociétés construites sur le modèle de l’Etat-nation, l’identité et l’imaginaire national fonctionnent comme paramètres par défaut du collectif. On peut admettre le besoin d’un socle d’identification commune mais il faut continuer à ouvrir l’espace de la pluralité pour enrayer la domination raciste et corriger les inégalités. Dans un monde globalisé, l’égalité plurielle et la diversité équitable sont des horizons convergents.

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