Les inégalités de salaire entre les hommes et les femmes. A force, le sujet fait presque tarte à la crème. Le gender pay gap a même son jour, l’equal pay day (en avril), que la Belgique fut le premier pays européen à organiser. Aujourd’hui, les experts ne s’étripent plus sur les chiffres : 20 % de différence au niveau européen (1), » seulement » 9 % en Belgique (2). Si la situation s’améliore, au rythme actuel, il faudra attendre 2 186 pour atteindre l’égalité (3).
En général, tout de suite après ça, on cite : à ma gauche, le sexisme ambiant ; à ma droite, la propension des femmes à se cantonner aux secteurs qui paient mal (ah ! le social et la caisse du supermarché) et au temps partiel (voir la parenthèse précédente). D’accord. Mais alors, pourquoi ce chiffre de l’Organisation internationale du travail (OIT) ? Selon son dernier rapport (4), en Europe, l’écart est plus important au sommet que dans les salaires moyens ou bas. C’est simple : les directeurs généraux des entreprises qui paient bien gagnent 45 % de plus s’ils sont des hommes. Visez le 1 % des entreprises les mieux cotées, et voilà : l’écart est carrément de 50 %.
On a beau détester le député polonais qui affirmait que les femmes devaient être moins bien payées, elles le sont. Pas parce qu’elles sont » plus petites « . Parfois parce qu’on leur reproche leur manque d’expérience. Le cas de la toute nouvelle CEO de GSK, première femme à ce poste. Les actionnaires ont demandé que son salaire soit revu à la baisse. Moins 15 % par rapport au boss précédent. Après une longue carrière chez L’Oréal, Emma Walmsley n’avait passé que sept années dans le big pharma. Contre trente-deux ans pour son prédécesseur… Mouais. Shame quand même.
Quant à Sophie Dutordoir, première femme à la tête de la SNCB, quelques twittos (j’avoue en faire partie) ont pointé sa rémunération inférieure à celle des messieurs qui l’avaient précédée. Elle n’a fait que s’aligner sur le nouveau plafond fixé par le gouvernement, comme Jo Cornu avant elle. Mais les autres candidats au poste avaient refusé ce montant.
Evidemment, le débat sur le salaire des grandes patronnes est bien moins brûlant que celui qui doit avoir lieu, tous les jours, sur la situation de la majorité des femmes qui travaillent. On sait aujourd’hui que d’autres facteurs que le simple sexisme sont en cause. En Belgique, les célibataires gagnent pareil. » Les femmes gagnent même 1 % en plus, surtout lorsqu’elles sont jeunes « , relève Arnaud Dorsimont, chercheur à l’université Saint-Louis (5). Les choses se gâtent avec les enfants, s’aggravent chez les mamans solo. Enfin, dès la trentaine, le salaire des femmes stagne (6).
A travail égal, salaire égal, conclut l’OIT. L’organisation encourage les pouvoirs publics à y veiller. Pourquoi pas en encourageant l’accès aux postes de décision à celles qui y sont rares ? Tiens, la loi qui impose aux sociétés cotées d’accueillir au moins un tiers de membres du conseil d’administration » de sexe différent » (sic) est justement applicable depuis le 1er janvier dernier. Curieuse d’avoir un feedback.
(1) et (4) OIT, Rapport sur les salaires 2016/2017.
(2) Rapport conjoint du SPF Emploi Travail et Concertation sociale et de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes.
(3) Rapport 2016 du Forum économique mondial sur la parité femmes-hommes.
(5) Dans La Libre du 9 janvier dernier.
(6) Enquête de la direction générale statistique du SPF Economie.
par Béa Ercolini