» Déménager l’aéroport ? Absurde ! « 

Déménager Bruxelles-National ou freiner son développement au profit de Charleroi ? Absurde, selon notre expert.

D’origine française, de nationalité canadienne mais résidant en Belgique, André Clodong est un consultant aéronautique expérimenté. Il revient sur quelques idées reçues bien ancrées au sujet de Zaventem. Et évoque les critiques adressées aux autorités aéroportuaires.

Le Vif/L’Express : L’accident de l’avion de Kalitta Air compromet-il l’avenir de Bruxelles-National ?

André Clodong : Pas du tout. Cet aéroport dispose d’une capacité de développement qui s’étend sur de très nombreuses années. Son accessibilité pour les marchandises va se trouver renforcée par les travaux réalisés à Brucargo et, pour les voyageurs, par la desserte ferroviaire Diabolo. Au risque de paraître iconoclaste, j’affirme que sa situation géographique est excellente, notamment au regard de la force de l’hinterland économique du Brabant flamand. Il n’est pas aussi intriqué au tissu urbain bruxellois qu’on ne le dit : les avions au départ d’Orly (Paris), de Heathrow (Londres) et de l’aéroport de Vienne, par exemple, survolent régulièrement les villes, eux aussi.

Bruxelles-National serait, selon vous, un aéroport sûr ?

Si l’on tient compte du trafic de transit, la Belgique est un des pays les plus sûrs du monde. J’avoue pourtant être surpris – pour ne pas dire plus – que la Région flamande ne parvienne pas à empêcher la vente de terrains résidentiels situés dans l’axe des pistes, par exemple à Steenokkerzeel. Les communes sont prises en étau, faute d’un plan de secteur qui aurait cadenassé toute nouvelle construction il y a au moins vingt ans. Par ailleurs, même si les conditions de sécurité à Bruxelles-National sont très bonnes, des motivations purement communautaires y ont compliqué, depuis dix ans, la gestion de la navigation aérienne. L’enquête dira si l’accident est lié au plan actuel de dispersion : je n’y crois pas beaucoup. Mais il est temps de retrouver un certain calme autour de ce dossier, ne serait-ce que par respect pour les pilotes.

Il y a quelques années, Guy Verhofstadt a évoqué un déménagement de Bruxelles-National à Chièvres, près d’Ath…

Ce n’est pas sérieux. On ne ferait qu’exporter les problèmes vers cette région. Le développement d’un aéroport attire toujours des bureaux, de l’industrie légère, etc. La spéculation s’en mêlerait. Personne ne pourrait empêcher les communes, avides de rentrées financières nouvelles, d’obtenir des dérogations urbanistiques aux plans de secteur. C’est ce qu’on a vu à l’aéroport Charles-de-Gaulle (Paris). A Montréal, voici trente ans, on a déplacé l’aéroport de 40 kilomètres. Résultat : un échec commercial cuisant, un  » éléphant blanc « .

Charleroi pourrait-il rivaliser sérieusement avec Bruxelles-National ?

Les autorités wallonnes ont raison d’y développer le low cost, dont la croissance est loin d’être terminée (malgré l’ombre du renchérissement du prix de l’énergie), et de pratiquer l’isolation des logements les plus proches. Il y a de la place pour deux aéroports passagers en Belgique, mais Charleroi, malgré l’allongement de la piste et la promesse d’un nouveau radar, ne rattrapera jamais Bruxelles car son hinterland économique est surtout situé en Flandre et au-delà des frontières du pays.

Entretien : Philippe Lamotte

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