Danseuse étoile du CD&V

Adepte du parler vrai, l’ancienne syndicaliste de la Sabena est un phénomène en Flandre. La jeune ministre des Entreprises publiques, qui vient de présenter sa note de politique générale, doit encore faire ses preuves. Etoile montante ou filante ?

Dans la mythologie nordique, Ing est le dieu de la Fertilité. Inge signifie donc le renouveau et encore le printemps. Un prénom prédestiné pour la toute fraîche ministre fédérale de la Fonction publique et des Entreprises publiques qui, à 30 ans, est la benjamine du gouvernement Leterme. Ce prénom est aussi une aubaine pour le CD&V qui traîne toujours l’image d’un parti traditionnel et conservateur.

Inge Vervotte est un papillon blanc pour les sociaux-chrétiens flamands. Son incroyable popularité parle d’elle-même : bombardée tête de liste dans la circonscription d’Anvers, aux élections fédérales de 2003, elle obtient le meilleur score avec 93 000 voix de préférence, devant Patrick Janssens (SP.A), Filip Dewinter (Vlaams Belang) et Bart Somers (VLD) ! Ce fut une mini-révolution dans la métropole flamande où, avant elle, l’ancien président du CVP Marc Van Peel peinait au milieu du peloton. Aux régionales de 2004, elle améliore encore sa performance (134 000 voix), sans toutefois voler la vedette à Dewinter. Rebelote au scrutin fédéral de juin 2007 (133 830 voix) où elle l’emporte sur tous ses adversaires. A les faire pâlir d’envie.

A quoi attribuer un tel succès ? On le sait peu de ce côté-ci de la frontière linguistique mais, lors de la crise de la Sabena en 2001, Inge Vervotte, alors permanente du syndicat chrétien ACV-CSC, est devenue, malgré elle, une star médiatique en Flandre. Hasard d’une carrière, elle venait de remplacer au pied levé l’ancien secrétaire de la centrale chrétienne pour le secteur aérien, qui s’était exilé à l’ABVV-FGTB. Au milieu des gros bras et des visages bourrus de l’ACV, la frêle syndicaliste de 23 ans, porte-parole des employés de la défunte compagnie aérienne, aimant les micros et les objectifs de caméra. Jeune, jolie, mais aussi déterminée, opposant un discours musclé aux fossoyeurs de l’entreprise publique, elle crève l’écran lorsqu’elle est interviewée sur le tarmac de Zaventem.

Cette soudaine célébrité n’est pas passée inaperçue dans le monde politique. Approchée par quatre partis flamands, Inge Vervotte choisira, assez naturellement, de tenter sa chance au CD&V.  » J’aimais la manière de faire de la politique dans cette formation « , explique la Malinoise qui a grandi au sein d’une famille catholique pratiquante, a fréquenté, dans son uniforme bleu et blanc, l’école des Ursulines de Malines et a suivi les cours d’assistante sociale à la Katholieke Sociale Hogeschool d’Heverlee. La suite est davantage connue : son succès électoral immédiat pousse Yves Leterme, ministre-président de la Région flamande, à la prendre sous son aile dans son gouvernement, en 2004. Elle gérera le portefeuille du Bien-être et de la Famille, jusqu’en 2007 où elle suivra son protecteur yprois au fédéral.

Son parcours météorique rappelle bien sûr celui de Freya Van den Bossche au SP.A, vice-Première et ministre du Budget dans l’équipe Verhofstadt II. Le papillon peut vite se brûler les ailes sous les projecteurs des médias.  » La différence est que Freya était, dès le départ, un pur produit marketing, directement catapultée vice-Première, alors que Inge s’est imposée via son action syndicale, analyse le politologue de l’UCL Lieven De Winter. Elle a gravi les échelons de manière plus graduelle, en passant d’abord par la case régionale.  » Quittant le gouvernement flamand avant la fin de son mandat (en 2009), elle n’y a pas laissé une empreinte indélébile. Rompue aux négociations sociales, elle a tout de même réussi à désamorcer la Witte woede, soit la  » colère blanche  » du secteur des soins de santé flamands, il y a deux ans.  » Inge Vervotte offre une image de sérieux, elle communique bien, pratique le parler vrai, renchérit Stefaan Fiers, politologue à la KUL. Elle ne parade pas en minijupe et elle est respectée au sein du parti. « 

En effet, on a beau les y inciter, même les langues de vipère du CD&V ont du mal à lui trouver un défaut.  » Peut-être un peu trop perfectionniste « , avance l’un d’eux en cherchant bien. C’est finalement elle-même qui se critique le plus.  » Je suis de nature impatiente et donc trop exigeante avec mes collaborateurs « , reconnaît-elle. Inge Vervotte a surtout la réputation d’être très professionnelle, difficile à coincer sur ses dossiers et de n’avoir pas froid aux yeux. Aujourd’hui ministre des Entreprises publiques – quelle ironie pour l’ancienne syndicaliste surnommée  » Sabena babe  » ! -, elle n’hésite pas à négocier avec les dirigeants de Belgacom, de La Poste et de la SNCB le plafonnement de leur rémunération.

Passionnée par la psychologie qu’elle a étudiée en cours du soir à la VUB, la protégée de Leterme n’a pas l’ambition de faire de la politique toute sa vie. Elle n’aurait, d’ailleurs, jamais entamé cette carrière-là si la crise de la Sabena ne l’avait projetée à l’avant-scène. Ayant suivi des cours de danse classique pendant seize ans, elle aurait pu aussi devenir danseuse étoile si ses parents s’étaient montrés moins exigeants pour ses études scolaires. Mais la ministre ne cache pas son plaisir d’être là où elle est, fidèle à sa devise empruntée à l’écrivain allemand Gerhard Hauptmann :  » Vis chaque jour comme si c’était ton premier et ton dernier « . Que cela ne fasse pas oublier à Inge que le printemps est une courte saison…

Thierry Denoël

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