Course contre la montre

La Wallonie va-t-elle pouvoir éviter le couperet européen et réaliser à temps l’épuration complète de ses eaux usées domestiques ?

Acteur discret, mais omniprésent du secteur de l’eau en Wallonie, la SPGE (Société publique de gestion de l’eau) vient de signer un troisième contrat de gestion avec le gouvernement wallon. L’occasion de se pencher sur un outil stratégique qui a investi 2,5 milliards d’euros dans l’or bleu wallon et qui se voit confier de nouvelles missions tandis que subsiste un double contentieux avec l’Europe.

Peu connue du grand public qui, pourtant, bénéficie quotidiennement des fruits de ses investissements, la SPGE est opérationnelle depuis 2000. Son actionnariat est constitué à 85 % d’institutions publiques, à savoir la SRIW (Société régionale d’investissement de Wallonie), la SWDE (Société wallonne des eaux), AquaWal (qui regroupe les producteurs, les distributeurs et les assainisseurs d’eau) et le holding wallon Socofe. Le solde de 15 % se trouve entre les mains de Dexia et du groupe Arco.

Secteur stratégique

Le nouveau contrat de gestion qui vient d’être signé à Namur rappelle bien évidemment les objectifs et les missions de la SPGE. Celles-ci consistent, d’une part, à coordonner le secteur de l’eau en Wallonie (entre autres, 52 producteurs et 47 distributeurs) et, d’autre part, à financer les investissements d’assainissement. Jean-Luc Martin est le président du comité de direction de la société.  » Dans ce second domaine, le gros de notre travail vise à terminer l’assainissement des eaux usées domestiques des agglomérations. L’Europe distingue des agglomérations de plus de 10 000 EH (équivalent-habitant) et d’autres de 2 000 à 10 000 EH.  » La SPGE finance les installations mises en £uvre par les 7 intercommunales qui se partagent le secteur de l’assainissement en Wallonie en construisant des égouts, des collecteurs et des stations d’épuration (Step). C’est, en effet, le chemin suivi par les eaux domestiques usées après avoir quitté les habitations et avant d’être rejetées dans les rivières. Lorsque le milieu récepteur autorise les baignades, la SPGE finance une épuration plus fine, plus complexe, de façon à rendre les rejets proches de la potabilité. Parallèlement, elle s’occupe de la protection des sites de captage pour limiter les risques de pollution.

Les priorités

Pour remplir son contrat, il reste à l’opérateur environ 60 km d’égouttage à réaliser sur le territoire wallon pour alimenter les Step de plus de 10 000 EH et 120 km pour les stations de 2 000 à 10 000 EH. Parallèlement, toutes les stations d’épuration importantes sont terminées ou en cours de finition, mais il reste à en construire une petite dizaine (ainsi que leurs collecteurs) pour la tranche de 2 000 à 10 000 EH. « 

En termes d’investissements, cela se traduit par des chiffres impressionnants : depuis l’an 2000, nous avons déjà investi ou adjugé 2,5 milliards d’euros, et un autre demi-milliard sera encore dépensé d’ici à l’horizon 2014 !

Pour ce faire, la SPGE doit trouver elle-même ses sources de financement, car elle ne bénéficie pas de la garantie de la Région et le président du comité de direction ne boude pas son plaisir lorsqu’il annonce que la SPGE bénéficie d’un  » rating  » de qualité attribué par l’agence de notation Moody’s.  » Nous les avons sollicités pour qu’ils nous auditent et ils nous ont attribué une notation Aa2 qui se situe juste en dessous de celle de l’Etat belge. Cette notation – qui vient d’être reconfirmée – est un atout exceptionnel pour nous qui empruntons sur les marchés en usant d’outils d’ingénierie financière dynamiques et performants. Parallèlement, nous bénéficions d’un prêt cumulé de 1 milliard d’euros de la part de la Banque européenne d’investissement (BEI). « 

Contentieux européens

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes aquatiques, si l’Europe n’avait pas récemment montré les dents en fustigeant les retards enregistrés – mais la Wallonie n’est pas la seule concernée – en matière d’assainissement des eaux usées.

Le premier contentieux porte sur l’assainissement des plus grosses agglomérations. En vertu d’une directive européenne de 1991, en effet, celles-ci devraient être couvertes à 100 % par des installations de collecte et d’épuration depuis… 1998. L’an dernier, l’autorité européenne a décidé d’attaquer les traînards devant la Cour de justice européenne en réclamant à la Belgique – la Flandre est concernée aussi, mais dans une moindre proportion – une amende de 15 millions d’euros et une astreinte quotidienne de 62 000 euros tant que le programme ne sera pas achevé !

 » L’Europe n’a pas encore déposé sa requête et nous mettons les bouchées doubles pour rattraper ce retard, martèle Jean-Luc Martin. Nous informons en temps réel nos interlocuteurs européens des efforts que nous réalisons sans discontinuer, tout en insistant sur le fait que le problème n’est ni technique ni financier. En fait, nous devons faire face à d’innombrables recours et à des refus de permis qui nous handicapent lourdement. Malgré cela, nous nous sommes engagés à être en ordre à la fin de 2012. « 

Le second contentieux, moins lourd car la procédure est moins engagée, concerne cette fois les agglomérations de 2 000 à 10 000 EH.  » Là aussi, nous mettons tout en £uvre pour être en ordre fin 2013 et les communes concernées ont d’ailleurs été fermement invitées par le ministre Furlan à inscrire l’égouttage dans les plans triennaux 2010- 2012. « 

FRANCIS GROFF

Moody’s a attribué un  » rating  » de qualité à la SPGE

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