Coup de bluff et belle embrouille

Un grand moment des années Verhofstadt. Un de ces coups fumants mais fumeux dont avaient le secret les deux gouvernements dirigés par le libéral flamand de 1999 à 2007. D’abord, la bonne nouvelle : le Fonds de vieillissement existe.  » Il n’est pas une fiction. Le bas de laine est là « , assure Joseph Pagano, spécialiste des finances publiques à l’université de Mons-Hainaut et membre du Conseil supérieur des finances.

Même bloquées pour une durée indéterminée, les réserves accumulées ne sont pas perdues :  » Comptabilisées parmi les actifs des pouvoirs publics belges, elles diminuent l’endettement public lui-même et ont contribué à permettre à la Belgique de satisfaire aux critères européens de convergence « , souligne Paul Palsterman, juriste au service d’études de la CSC) (1). C’est au moins ça de pris.

La Cour des comptes l’a d’ailleurs toujours dit :  » Que les surplus budgétaires soient versés dans le Fonds de vieillissement ou immédiatement affectés au remboursement de la dette, l’effet reste identique. « 

Or le Fonds argenté devait précisément convaincre du contraire. Faire gober à la population que le gouvernement s’employait à réduire la dette publique, tout en mettant sagement de l’argent de côté pour assurer les pensions de demain.

La vocation du Fonds :  » Vendre deux fois la même chose à la population « 

Mieux qu’une savante démonstration, l’économiste Etienne de Callataÿ y va d’une petite devinette :  » Entre un ménage qui a une dette de 100 000 euros et n’a pas d’épargne, et un ménage qui a une dette de 120 000 euros et 20 000 euros planqués sous un matelas : lequel est le mieux loti ?  » Réponse :  » Pas plus l’un que l’autre.  » Là résidait le tour de force :  » Vendre deux fois la même chose à la population. Du pur artifice comptable. « 

Au besoin, Verhofstadt II a même sophistiqué le tour de passe-passe. En 2003-2004, il s’arrange ainsi pour  » omettre  » de verser 738 millions qui devaient être affectés au Fonds de vieillissement, afin de couvrir des dépenses courantes. L’opération nécessitera après coup une rectification. La Cour des comptes appréciera moyennement l’entourloupe.

A la longue, certains ont fini par y perdre leur latin.  » Je souhaiterais entendre un économiste nous expliquer quels sont les tenants et les aboutissants en termes d’économie réelle « , s’inquiétait un jour François-Xavier de Donnea (MR), président de la commission des Finances de la Chambre.

L’élu libéral a comme un mauvais pressentiment. Il redoute le jour où l’Etat devra se saigner pour racheter les bons du Trésor dans lesquels ont été systématiquement placés les moyens du Fonds de vieillissement. L’opération sera neutre pour comptabiliser la dette publique belge, tous pouvoirs confondus. Mais le pouvoir fédéral y creusera son propre déficit budgétaire d’une vingtaine de milliards d’euros. Sacrée surprise.

Avec le recul, et le revers de fortune aidant, les langues se sont déliées. Guy Vanhengel (Open VLD), ministre du Budget dans le gouvernement Leterme II, s’est mis à table :  » La création de ce Fonds était une opération de marketing politique. L’objectif était avant tout de rassurer l’opinion publique au sujet du paiement des pensions. Ce serait une erreur de laisser croire au grand public que le Fonds de vieillissement est un instrument capable d’assurer le paiement des pensions futures à tous les pensionnés belges. Ce ne sont pas les « petits » montants qui figurent dans ce fonds qui vont nous sauver.  » Enfin un langage clair.

(1) Paul Palsterman,  » Le Financement des pensions « , Courrier du CRISP, 2011.

P. HX

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