Compte à rebours

C’est une sensation aussi impalpable que tenace, mais on ne peut balayer d’un revers de main les ferments d’une possible évolution au Moyen-Orient. Sans doute ne faut-il rien attendre de spectaculaire ; il s’agit plutôt d’une sorte de macération qui s’accomplit dans les consciences. Sur le terrain, rien n’est encore près de changer. Quelque part dans les têtes, en revanche, l’amoncellement des impasses force les protagonistes à modifier les discours et les attitudes. La toile de fond que constitue l’élection présidentielle américaine vient ici jouer un rôle déterminant.

En fustigeant ceux qui  » semblent croire que nous devrions négocier avec les terroristes et les radicaux « , le 15 mai, George W. Bush n’a fait que réaffirmer une ligne guerrière dont l’échec est plus que flagrant. Faute d’un meilleur argument, il a établi un parallèle entre les partisans d’un dialogue avec Al-Qaeda, l’Iran, le Hezbollah libanais ou le Hamas et ceux qui, dans les années 1930, pensaient  » apaiser les nazis « . L’attaque a fait scandale aux Etats-Unis, où Barack Obama s’est estimé directement visé. N’avait-il pas déclaré que, s’il était élu, il  » négocierait  » avec le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad ? Son adversaire républicain, John McCain, l’avait, pour sa part, caricaturé en  » favori du Hamas « .

Le coup de pouce de Bush à McCain est nul et non avenu. D’une part, le prochain nominee du Parti républicain a opéré un virage au sujet de l’Irak. Jusqu’ici farouchement opposé à un calendrier de retrait des troupes américaines, réclamé par Obama, il s’est subitement rapproché de lui la semaine dernière, en fixant l’horizon 2013 comme une échéance. D’autre part, il apparaît que McCain s’était en réalité prononcé, dès 2006, en faveur d’une ouverture en direction du Hamas :  » Tôt ou tard, nous devrons négocier avec eux…  » Or la plupart des Européens pensent aujourd’hui de même, en contradiction avec la règle officielle, et constatent qu’aucune solution n’est envisageable au Moyen-Orient sans le Hamas. Bernard Kouchner vient de lever un tabou en confirmant que la France avait noué, le mois dernier, des contacts au plus haut niveau à Gaza. Auparavant, l’ex-chef de cabinet de Tony Blair avait lui aussi plaidé pour un dialogue avec le Hamas, ainsi que l’ancien ministre italien des Affaires étrangères. L’après-Bush a déjà commencé.

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