Le nouvel album de Margaux Vranken propose des compositions parfumées où le piano talentueux dessine aussi d'élégants moments de chant. © Gulnara Khamatova

Complètement à l’ouest

Talentueuse pianiste-compositrice bruxelloise, Margaux Vranken propose son fruité Purpose, la suite. Installée à Los Angeles, après des études à Boston et un enregistrement à New York, voilà une jazzwoman à la hauteur de ses ambitions.

Margaux Vranken, 30 ans, habite Reseda, un quartier de Los Angeles, « où a été tourné Karaté Kid« , précise-t-elle, à neuf mille kilomètres de Bruxelles. Elle a le genre de voix énergique, empathique, d’un ton clair et volontaire, qui donne envie de causer. Et d’écouter son nouvel album, Purpose, la suite, publié par Igloo Records, historique label bruxellois qui débusque les talents jazz contemporains du royaume depuis les années 1980. Enregistré au Gaume Jazz Festival à l’été 2021, ce live transpose un premier disque cousin réalisé en studio. Des compositions parfumées où le piano talentueux dessine aussi d’élégants moments de chant avec deux invitées vocales.

Aller aux Etats-Unis relève un peu d’une démarche mystique, d’une foi, d’une flamme, qui te pousse vers des horizons plus grands.

L’histoire américaine de la Belge débute à la Jazz Station, un club de Saint-Josse où un talent scout du célèbre Berklee College of Music de Boston débarque un soir, histoire de renifler les talents de la scène locale. « Il m’a conseillé de demander une bourse à Berklee, se souvient-elle. Je l’ai décrochée, elle me permettait d’éviter de débourser les 50 000 dollars d’inscription à l’année. J’y suis donc allée, me débrouillant, grâce à des petits boulots, pour assumer les autres frais, notamment de logement. » Un vrai parcours du combattant, malgré tout, encadré par des règles strictes: Margaux reçoit un visa de trois ans, mais uniquement pour des projets musicaux, grâce à un « sponsor », un contrebassiste américain qui garantit ses qualités. « Le nom de cette personne était écrit sur mon passeport. Cela revenait, pour lui, à jurer devant le gouvernement et les services d’immigration que j’étais qualifiée pour mener mon travail aux Etats-Unis. Je suis blanche et européenne, soyons clairs, cela aurait été plus compliqué si j’avais été Mexicaine. Le nombre d’articles de presse parus à mon sujet a aussi compté, tout comme le fait d’avoir déjà composé et enregistré des morceaux (NDLR: dont, en 2015, la musique originale du documentaire Les Liberterres de son père, Paul-Jean Vranken, cameraman et réalisateur) et d’avoir participé à des concours. Ici, tout est du business, la santé comme l’éducation ou l’immigration. Ce qui peut démotiver beaucoup de gens. »

L’assimilation passe ensuite par des formalités impliquant bien évidemment l’intervention d’un avocat US et des frais conséquents. Trouver dix lettres de recommandation et six personnes qui certifient l’engagement de la musicienne sur des projets officiels. « Un dossier de quatre cents pages! », précise-t-elle. Mais pourquoi se casser la tête, et casser sa tirelire, pour s’installer aux Etats-Unis?

Délire de l’excellence

« Cela relève un peu d’une démarche mystique, d’une foi, d’une flamme, qui te pousse vers des horizons plus grands, avoue la pianiste. Là, je vais enregistrer un album en duo, piano-voix, avec la chanteuse Farayi Malek. On s’est rencontrées à Berklee. Nous avons été invitées chez un compositeur de musique de film – Charlie’s Angels, Johnny English, de grosses productions – qui a mis un studio à notre disposition, à Burbank, dans le comté de Los Angeles, et le super piano Fazioli utilisé par Herbie Hancock. Ici, les gens ont envie d’être dans l’action. De faire. Et moi, j’adore être dans l’action, dans l’ entrepreneuriat. »

Après son année à Berklee, Margaux Vranken se voit attribuer une nouvelle bourse qui lui permet de boucler un album, à l’automne 2018, à New York. Elle obtient ensuite un visa de séjour artistique de trois ans. Mais le coronavirus la coince pendant quasi deux années en Belgique. « Etre à nouveau à Los Angeles, aujourd’hui, physiquement,représente en soi un énorme succès. L’idée de pouvoir travailler aux Etats-Unis et d’atteindre ne fût-ce que 10% ou 20% de mes objectifs, c’est en soi super. »

Margaux évoque alors ses « compétences spécifiques, à partager dans ce monde. Y compris des qualités extramusicales ». C’est dit sans forfanterie, dans un flot de paroles qui rappelle la façon dont sa propre musique engendre des émotions fluviales, semblant couler d’une fraîche source montagnarde. Rien n’est encore gagné pour la jazzwoman, mais les premiers pas sont encourageants: hormis le projet avec la chanteuse Farayi Malek, Margaux s’est déjà trouvé une filière de cours privés.

Structurée, elle semble l’être. Durant son enfance schaerbeekoise, la panoplie seventies écoutée chez elle – Queen, Bowie, Moustaki, Leforestier – s’accompagne de tango mais ne visite guère le jazz. Le piano à la maison la mène au solfège. Contrairement à beaucoup de mômes, l’exercice plaît à Margaux, dont la mère entreprend elle-même deux ans de cours. Pour aider sa fille, qui fréquente en parallèle les choeurs d’enfants de La Monnaie et une école à « pédagogie active où il n’y avait pas de devoirs. Un mélange de Freinet et Montessori, laissant beaucoup de temps extrascolaire pour développer mes compétences artistiques. Danse, gymnastique, dessin, la totale ». Margaux parle de son appétit pour « le délire de l’excellence. Depuis que je suis tout petite. Gamine, j’ai fait de la compétition en gymnastique et je voulais être la première sur le podium. Et j’ai été la première sur le podium. J’ai toujours été fascinée par le dépassement de soi et j’ai transféré cela à la musique… ». Jusqu’où ira celle qui a eu une « grosse époque Top 40 vers l’âge de 11 ou 12 ans, Britney à fond »? Réponse dans les mois et années à venir.

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