Comment rebondir après la crise

Depuis quelques mois, tout commentaire concernant la situation des marchés financiers fait inévitablement référence à la crise du subprime américain. Celle-ci touche-t-elle à sa fin ou, au contraire, faut-il craindre une crise durable ?

L es investisseurs sont actuellement en proie à des sentiments contradictoires. De nombreuses théories circulent au sujet de la crise des titres hypothécaires américains à hauts risques. Force est de constater que les Bourses ont une vision bien plus optimiste que les économistes. En effet, certains estiment que le pire de la crise appartient déjà au passé et que, dès lors, la situation ne peut que s’améliorer au cours des prochains trimestres. Les établissements financiers du monde entier ont annoncé 290 milliards de dollars de pertes et dépréciations liées à la crise du subprime depuis l’été dernier. Bien que ce montant soit colossal, de nombreux instituts considèrent que les banques ne sont pas encore au bout de leur peine. Récemment, la BAFin, le régulateur financier allemand, et le Fonds monétaire international (FMI) ont évalué le coût total de la crise à, respectivement, 600 et 945 milliards de dollars. Le FMI précisait dans un rapport :  » La crise du subprime s’est étendue rapidement, et dans des directions inattendues, pour infliger des dommages importants aux marchés et aux institutions à la base du système financier.  » Les économistes de plusieurs grandes banques estiment également que les déconvenues seront encore nombreuses. Nous retiendrons tout particulièrement l’étude de Goldman Sachs sur le sujet qui indiquait que le montant des pertes pourrait atteindre de 1 200 à 2 000 milliards de dollars.

Economie à bout de souffle

Bien que cette crise touche tout particulièrement le secteur financier, son ampleur et sa durée sont primordiales pour l’ensemble de l’économie. En effet, le système financier est en quelque sorte le c£ur de l’économie : les banques recueillent les sommes excédentaires pour les prêter à ceux qui en ont besoin. Chacune d’entre elles ne pouvant évidemment pas équilibrer en permanence les deux côtés de sa balance, elles se prêtent mutuellement des liquidités au jour le jour. Ce marché interbancaire est indispensable à une bonne circulation, et donc à la bonne utilisation, des sommes disponibles. Or la récente crise a entraîné un tarissement de ce marché interbancaire pour la simple raison que les banques ne se font plus confiance. Elles sont donc contraintes de revoir leurs engagements (les crédits octroyés) à la baisse, ce qui pèse sur la consommation et le développement des entreprises. Il en résulte un ralentissement conjoncturel qui accroît la méfiance des acteurs économiques étant donné qu’il assombrit leurs perspectives. Sans intervention extérieure, un cercle vicieux s’installe, car la dégradation de l’économie incite les banques à la méfiance…

Afin de restaurer la confiance mutuelle des établissements financiers, la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque d’Angleterre (BOE) sont intervenues pour sauver les banques en détresse (Bear Stearns, aux Etats-Unis, et Northern Rock, au Royaume-Uni) et ont accepté d’échanger des crédits immobiliers peu sûrs actuellement contre des dettes publiques (bons du Trésor, obligations gouvernementales), à concurrence de 200 milliards de dollars pour la Fed et de 50 milliards de livres sterling pour la BOE.

Ces interventions ont, certes, influencé les marchés boursiers, mais l’effet escompté sur la circulation des liquidités se fait attendre. Le taux interbancaire de référence en euros (Euribor), fixé en fonction de l’offre et de la demande de liquidités des banques, demeure ainsi proche de ses niveaux les plus élevés depuis le début de la crise. Les taux interbancaires de référence en dollar américain et en livre britannique ont baissé, mais dans une mesure nettement moindre que les baisses de taux directeurs décidées par la Fed et la BOE.

Grande Dépression

Il est d’ores et déjà certain que la crise du subprime et des liquidités a affecté et affectera encore l’économie. Dans un rapport du début de ce mois consacré aux perspectives des économies occidentales, le FMI indiquait que  » la croissance mondiale s’essouffle en raison de ce qui est devenu la plus importante crise financière aux Etats-Unis depuis la Grande Dépression des années 1930 « . Les Etats-Unis sont évidemment les premiers et les plus fortement touchés. Sebastian Paris-Horvitz, directeur de la stratégie d’investissement chez Axa Investment Managers, estime que  » les dernières statistiques en provenance des Etats-Unis semblent bien indiquer que l’économie est entrée en récession « . Cependant, le pays de l’Oncle Sam pourrait bien ne pas être le seul à connaître une croissance négative. En effet, le Royaume-Uni se dirige de plus en plus vers une situation  » à l’américaine  » mêlant crise des liquidités et crise immobilière. La détérioration du marché des logements constitue une menace de plus en plus pesante sur la conjoncture britannique. Simon Willis, analyste chez NCB à Londres, indiquait récemment que l’évolution des prix des logements pourrait baisser jusqu’à -5 % après être tombée de + 10 % à zéro. Les risques de récession au Royaume-Uni sont donc bien réels. Selon Sebastian Paris-Horvitz,  » on peut également s’inquiéter du ralentissement en Italie et de l’ajustement du secteur immobilier en Espagne ou en Irlande « .

Déceptions à prévoir

Dans un tel contexte, les entreprises parviendront difficilement à rééditer leurs performances bénéficiaires de ces dernières années. D’autant plus que l’envolée du prix des matières premières et de l’énergie augmente les coûts. Franz Wenzel, stratégiste chez Axa Investment Managers, rappelle ainsi que, historiquement, une récession américaine entraîne une baisse des bénéfices européens de 30 % sur deux ans. Il ne s’attend toutefois qu’à un repli situé entre 5 et 10 % des profits en 2008, malgré la faiblesse du dollar qui handicape les exportateurs européens. Selon le consensus établi par Bloomberg, les analystes prévoient toutefois, cette année, une stagnation des résultats des sociétés composant l’indice élargi européen, le DJ Eurostoxx 600. Les prévisions pour les entreprises américaines sont encore plus optimistes : le consensus Bloomberg indique une progression de près de 10 % des bénéfices des sociétés composant l’indice large S&P 500. La contre-performance, au premier trimestre, du conglomérat General Electric, considéré comme un excellent baromètre de l’économie américaine, constitue la preuve la plus marquante de l’excès d’optimisme des analystes. Les déceptions devraient donc se multiplier au cours des prochains trimestres car, outre la récession, les entreprises font également face à l’envolée des prix des matières premières et de l’énergie, ce qui dope l’inflation et pourrait se traduire par une hausse des salaires. Pas forcément en Europe et aux Etats-Unis, mais bien dans les pays émergents et, tout particulièrement, en Chine. Les ménages chinois ressentent encore davantage la hausse des prix des matières premières, car les dépenses alimentaires représentent une part plus importante de leur budget. Les observateurs ne sont donc pas surpris de constater une hausse des salaires en Chine. Kevin Farr, directeur financier de Mattel, a ainsi déclaré que  » les coûts du travail avaient fortement augmenté en Chine  » lors de la réunion d’analystes qui a suivi la publication des résultats trimestriels (inférieurs aux prévisions) du fabricant de la célèbre Barbie.

La prudence en maître mot

Il convient donc de demeurer extrêmement prudent en Bourse où les déceptions aboutissent, tôt ou tard, à des baisses de cours. Selon Franz Wenzel, il ne faut pas se fier outre mesure  » à la valorisation attrayante  » des marchés boursiers, car  » la position cyclique constitue un fort vent contraire « . Cependant, comme vous pourrez le lire dans l’interview, certains secteurs restes intéressants.

Cédric Boitte

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