Comment doper votre salaire

Avec la crise, les augmentations ont été réduites à la portion congrue. Les signes de reprise, encore très timides, ne sont pas synonymes de vaches grasses, mais des marges de manouvre existent. Que faire pour obtenir une revalorisation salariale? Quel type d’augmentation privilégier ? Réponses…

Moins 27,88 euros. C’est le différentiel observé par Mathieu, cadre trentenaire dans une PME du Brabant wallon, entre le salaire perçu au mois d’octobre et son net un an plus tôt. L’effet de l’indexation négative intervenue début 2010 dans la commission paritaire dont il relève. Bien que beaucoup d’entreprises aient fait le choix de ne pas la répercuter pour ne pas démotiver leurs travailleurs, son patron a appliqué le système à la lettre. Mathieu ne s’en offusque guère.  » C’est la règle du jeu, confie-t-il. Et puis, dans le contexte actuel, je m’estime déjà privilégié de ne pas avoir perdu mon job. Tous mes amis n’ont pas été aussi chanceux…  » Par contre, il dit attendre avec un cynisme teinté de fatalisme la publication dans les médias des augmentations octroyées aux grands patrons.  » On verra alors si la crise est la même pour tous… « 

La conclusion est toutefois déjà évidente. Tout le monde n’a pas été logé à la même enseigne. Ainsi, d’après la dernière étude salariale réalisée par Hudson (consultance et ressources humaines), le salaire de base de l’employé belge (cadres supérieurs inclus) a augmenté en moyenne de 0,9 % entre le 1er février 2009 et le 1er février de cette année. Si l’on inclut dans le calcul la partie variable de la rémunération, la revalorisation s’affiche à 1,3 %. L’impact de l’indexation, négatif dans certaines commissions paritaires, a toutefois résulté en une baisse salariale pour plus de 13 % des employés.

Les effets de la crise sont donc bien réels.  » Le niveau d’augmentation moyenne enregistré est nettement moins fort comparé aux années précédentes, celle de l’an passé ayant atteint 6,1 %, analyse Brecht Decroos, associate director chez Hudson. Pour trouver une chute d’une telle ampleur, il faut remonter à la période 2002-2003, après l’éclatement de la bulle Internet : à l’époque, les augmentations salariales n’étaient toutefois retombées que de 6,5 % à 3 %. Cela dit, abstraction faite du mécanisme d’indexation, on observe encore cette année une revalorisation moyenne de 0,7 %, ce qui n’est pas rien. L’année dernière, on avait affaire à une augmentation salariale de 1,5 %, outre l’indexation de 4,4 % en moyenne. « 

De l’impatience

Les employés âgés entre 20 et 30 ans figurent parmi ceux qui tirent leur épingle du jeu : c’est à eux qu’ont été octroyées les plus fortes augmentations salariales  » Ce n’est pas qu’on rémunère sur la base de l’âge, mais l’évolution salariale en début de carrière est toujours plus forte, les débutants recevant souvent un salaire moins élevé, explique-t-il. Certaines entreprises appliquent même une budgétisation séparée pour les débutants. « 

De même, tous les secteurs n’ont pas traversé la crise de la même façon. Le secteur financier, par exemple, a beaucoup souffert : il y a deux ans, l’augmentation salariale moyenne y était de 3,7 % (salaire fixe plus variable, hors indexation), alors que l’an passé, elle s’est affichée à un maigre 1 % et, cette année, à 0,5 % seulement. Les secteurs chimique et pharmaceutique, eux, n’ont connu qu’une légère baisse de 1,6 % à 1,3 %, grâce à l’augmentation du salaire de base de 1,4 % en moyenne.

 » Si la revalorisation observée cette année ne semble pas spectaculaire, il convient de la mettre en perspective avec la violence de la crise et de la replacer dans une temporalité plus longue, souligne Brecht Decroos. Supposez que vous n’ayez pas changé de fonction ou d’employeur au cours des neuf dernières années. Dans ce cas, votre salaire aurait dû augmenter de 44,5 % en moyenne. De cette évolution, 21,6 % sont dûs à l’indexation liée à l’inflation. Le solde, soit 22,9 %, représente l’augmentation réelle. Et si vous avez changé de travail ou obtenu une promotion -ce qui, sur neuf ans, est fort probable-, votre niveau salarial a fort probablement progressé encore plus rapidement. « 

Tout le monde ne l’entend toutefois pas de cette oreille. Dans les entreprises, les travailleurs commencent à marquer une certaine impatience en matière de rémunération. Divers signaux en attestent. D’après un sondage que vient de publier Monster auprès de 12 962 répondants à l’échelle mondiale (dont 545 Belges), 28 % de nos compatriotes attendent une revalorisation encore en 2010 et 15 % ne l’excluent pas. Pour 19 %, c’est l’inconnue totale. Quelque 38 % savent par contre d’ores et déjà qu’ils n’auront plus d’augmentation cette année. Un autre sondage publié par Tempo-Team fait état de 52 % de travailleurs insatisfaits de leur salaire.

Ces coups de sonde n’ont rien de scientifique, mais traduisent un certain malaise que viennent encore confirmer les intentions de mobilité. Avec la crise, les employés se sont montrés très prudents quant à la perspective de changer de job. Aujourd’hui que des signes d’embellie pointent, les barrières tombent et la tentation est grande d’aller voir si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs. D’après le sondage de Tempo-Team, 53 % des travailleurs souhaitent changer de job en interne et 21 % envisagent de changer d’entreprise. Une enquête publiée par Robert Half confirme : un travailleur belge sur cinq (21 %) souhaiterait changer d’employeur au cours des six prochains mois. D’autres analyses vont jusqu’à faire état de quatre travailleurs sur dix dans les starting-blocks. Traduction : à défaut d’obtenir une augmentation, pourquoi ne pas aller la chercher… soi-même :  » En cas de promotion, l’augmentation moyenne est de 6 à 7 %, rappelle Brecht Decroos. Changer d’employeur entraîne généralement une progression de 5 à 10 % pour une fonction de niveau équivalent… « 

CHRISTOPHE LO GUIDICE

4 TRAVAILLEURS SUR 10 SERAIENT DANS LES STARTING-BLOCKS

POUR UN POSTE STABLE, LE SALAIRE AURAIT DÛ AUGMENTER DE 44 % EN NEUF ANS

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