Coeur-à-corps

Le jeune réalisateur d’Amours chiennes confirme, dans 21 Grammes, la force et l’originalité d’un ciné- ma vibrant d’émo- tion et déchirant de vérité humaine

Alejandro Gonzalez Iñarritu sonde les c£urs et les corps avec une force rare. Celles et ceux qui ont vu Amours chiennes ( Amores perros) ont encore en mémoire la féroce générosité, la bouleversante humanité, l’inspiration formelle aussi dont le jeune cinéaste mexicain faisait preuve dans son premier film. Le succès critique et public remporté par ce drame intense, au réalisme déchirant, a valu à son auteur l’intérêt du producteur indépendant new-yorkais Ted Hope, dont la société This Is That a rendu financièrement possible 21 Grammes ( 21 Grams), le nouveau film d’Iñarritu.

Quittant son Mexique natal pour les Etats-Unis et une distribution prestigieuse digne de Hollywood, ce dernier n’en a pas pour autant renoncé à ce qui fait sa force et son originalité. Même l’inscription du scénario (écrit en collaboration avec Guillermo Arriaga) dans le domaine du mélodrame ne saurait être interprétée comme une concession aux goûts nord-américains, ce genre ayant depuis longtemps fait flamboyer le meilleur cinéma mexicain.

La vie, la mort

21 Grammes entrecroise les destins de plusieurs personnages rassemblés tout à la fois par la vie et la mort. Paul (Sean Penn) est malade, très malade. Veillé par son amie Mary (Charlotte Gainsbourg), il mourra bientôt s’il ne peut bénéficier à temps d’une transplantation cardiaque. In extremis, un c£ur est trouvé, qui sauve Paul, mais qui le plonge simultanément dans un trouble existentiel. Eloignant Mary, il n’a plus qu’une obsession : savoir à qui appartenait l’organe qu’on lui a greffé. Il apprendra que le c£ur était celui d’un homme qui a été victime d’un chauffard. Paul va faire (dans un premier temps sans dévoiler ses motifs profonds) la connaissance de la veuve du disparu (Naomi Watts), et entrer peu à peu dans la quête qui occupe cette dernière : retrouver l’homme qui a tué son mari et ses deux jeunes enfants, un ex-taulard repenti (Benicio Del Toro) qui a pris la fuite, rongé par le remords…

Nous ne dévoilerons pas la signification du titre du film, révélée à l’écran et qui ajoute une dimension poétique, spirituelle, à une £uvre qui se veut avant tout charnelle, organique, creusant la souffrance humaine avec une fulgurante authenticité. Iñarritu brouille d’emblée les pistes en éclatant la structure temporelle du récit, s’engouffrant ainsi dans la porte largement ouverte par Tarantino et son Pulp Fiction. La multiplication des flash-back mais aussi des regards dans le futur accentue encore la tension extrême qui habite le film. Les acteurs sont tous formidables, avec une mention spéciale pour Benicio Del Toro, fantastique en ancien voyou devenu mystique, meurtrier malgré lui et hanté par le souvenir du terrible accident qu’il a provoqué. Une performance bouleversante, à l’image d’un film dont l’impact émotionnel dure bien au-delà du générique final.

L.D.

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