Classer pour comprendre

Découvrir, décrire, classer et nommer les espèces, selon leurs similitudes et leurs différences. La taxinomie est une science indispensable : sans elle, point d’ordre dans l’immense bibliothèque de la vie. Encore fallait-il s’accorder sur des identités communes, les noms locaux de plantes et d’animaux,  » colorés  » mais variables selon les régions, n’étant d’aucune utilité pour la communication entre savants. Le recours au latin et au grec, les langues universelles du monde lettré, fut donc la solution. Les premières suggestions du pionnier sir Hans Sloane (1660-1753) souffraient toutefois d’une longueur excessive : baptiser le gingembre sauvage Zingiber sylvestre minus, fructu e caudidum summitate exeunte se révélait franchement compliqué. C’est son contemporain Carl von Linné qui a le trait de génie : pour chaque chose vivante, le botaniste suédois adopte une nomenclature binaire. Le premier mot du nom donne le genre, le second, plus descriptif, l’espèce. L’escargot de jardin s’appelle désormais Helix aspersa, un point c’est tout.

Longtemps, les systèmes de classification des espèces se fondent sur la comparaison des morphologies, des squelettes et des organes internes. Jusqu’à la mise au point, au milieu du siècle passé, d’un outil extraordinaire : l’analyse de l’ADN. En comparant les séquences d’un même gène chez plusieurs espèces différentes, il est devenu possible de définir, avec précision, leurs relations de parenté. On parle désormais de systématique (qui arrange les espèces selon des ancêtres communs) et de classification (qui range les organismes dans une série de catégories de plus en plus  » exclusives  » û règne, phylum, classe, ordre, famille, genre, etc. û donnant, ainsi, à chaque espèce, une identité quasi unique).

Certes, l’image des naturalistes armés d’un filet à papillons en a pris un coup. Ceux-ci travaillent à présent dans des labos équipés d’appareils électroniques sophistiqués. Mais l’histoire est loin d’être finie. Les règnes qui, du temps de Sloane, étaient divisés seulement entre animal et végétal, sont passés, dans les années 1950, à cinq : les deux précités, auxquels on a joint les champignons, les bactéries et l’ensemble des algues et des amibes. Aujourd’hui, l’analyse ADN suggère que cet agencement est sans doute simpliste : il pourrait y avoir, sur terre, 30 groupes distincts méritant chacun le nom de règne…

V.C.

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