Christophe Rousset, le passeur

Barbara Witkowska Journaliste

Désireux de fédérer un large public autour de la musique baroque, le claveciniste et chef français ressuscite Bellérophon, le dernier opéra de Jean-Baptiste Lully qui n’a jamais été enregistré. Un événement !

Le surintendant de la musique de Louis XIV s’est lancé dans l’écriture des opéras en 1672. Jusqu’à 1687, date de sa mort, il en composa et en fit jouer quatorze ! Chaque année, un opéra nouveau ! Peu à peu, ils sont tombés dans l’oubli et il a fallu attendre le récent engouement pour la musique baroque pour qu’ils soient tous recréés, à l’exception de Bellérophon. Aujourd’hui, c’est chose faite, grâce à Christophe Rousset.  » C’est un opéra « brosse à reluire », l’opéra préféré de Louis XIV car il chante ses louanges « , dit-il. Thomas Corneille (frère de Pierre) écrivit un livret ad hoc et sur mesure : l’histoire d’un prince terrassant une horrible et monstrueuse Chimère et instaurant la paix dans le monde ! Bellérophon a été créé, en version concertante, au festival de Beaune en juillet 2010 puis enregistré sur le vif à la Cité de la musique, à Paris. Dirigés avec intelligence et goût, les sept solistes (dont la soprano belge Céline Scheen), le Ch£ur de chambre de Namur et les musiciens des Talens lyriques sont irréprochables de justesse, laissent deviner un kaléidoscope d’émotions, partageant sans aucun doute l’enthousiasme du chef. Christophe Rousset signe une version de Bellérophon de premier ordre, sensible, joyeuse et lumineuse, bien inscrite dans le faste versaillais. Une émotion et une sincérité touchante qui synthétisent bien l’univers de ce jeune homme de 50 ans, bien dans son époque et bien dans ses baskets (de couleur jaune), mais hanté par le passé et par la nostalgie.

La bande-son de Farinelli

Né en Avignon, il entend le clavecin, par hasard, à 13 ans. Le monde sonore de cette  » machine à remonter le temps  » détermine la vocation de cet amoureux de l’esthétique des xviie et xviiie siècles. Etudes à La Haye et premier prix au Concours de clavecin de Bruges en 1983.  » Depuis lors, j’ai une relation forte avec la Belgique et son public qui me reste très fidèle.  » Titillé par la direction, il l’apprend de façon empirique auprès de William Christie et dirige les Arts Florissants. En 1991, il crée les Talens lyriques (sous-titre de l’opéra Les Fêtes d’Hébé, de Rameaux, 1739), en préservant, par coquetterie et par volonté d’authenticité, l’orthographe du Grand Siècle. L’objectif ? Défendre le répertoire napolitain et français, tisser des liens et des résonances. Christophe Rousset devient une référence en la matière et c’est à lui que Gérard Corbiau demande, en 1994, de créer et d’enregistrer la bande-son du film Farinelli. Succès phénoménal : plus d’un million de CD vendus ! Les Talens lyriques ont également mis sur pied des activités pédagogiques dans des collèges parisiens, notamment dans des quartiers défavorisés.  » J’ai lancé un orchestre baroque avec des jeunes, je produis des opéras avec des jeunes dans des conditions professionnelles. On fait beaucoup d’études et de recherches dans le domaine de la musique ancienne, on exhume le répertoire oublié et on redécouvre les instruments anciens. Ce n’est plus une histoire de mode, c’est une nécessité. Le goût musical a suivi. Je n’ai pas d’enfants mais j’attache beaucoup d’importance à la transmission. Le travail avec les jeunes est une façon de me prolonger.  »

Jean-Baptiste Lully (1632-1687), Bellérophon, 2 CD, Aparté (Harmonia Mundi). Christophe Rousset dirigera Eroica, de Ludwig van Beethoven, au palais des Beaux-Arts, le 14 septembre, et Médée de Luigi Cherubini, à la Monnaie, du 6 au 22 septembre.

Barbara Witkowska

Le répertoire oublié est exhumé, les instruments anciens sont redécouverts

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