Chine chérie par les patrons wallons

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

A mille lieues de l’ouverture controversée des JO de Pékin, des chefs d’entreprise wallons vont mettre le cap sur la Chine. Zen en apparence, les patrons y flairent toujours la bonne affaire.

Business is business… Le parcours chaotique de la flamme olympique aux quatre coins du monde n’entrave pas la bonne marche des affaires avec la Chine. Alors que l’ouverture prochaine des JO de Pékin met en ébullition les militants des droits de l’homme et de la cause du Tibet opprimé, une mission économique et commerciale belge en chasse une autre dans l’empire du Milieu. A peine un représentant de la FEB, la fédération patronale belge, vient-il de boucler un voyage de reconnaissance en Chine qu’une belle brochette de chefs d’entreprise wallons mettra le cap, la semaine prochaine, sur Shanghai.

C’est l’Awex, l’Agence wallonne à l’exportation, qui est à la man£uvre. Aucune présence ministérielle ni princière n’est prévue pour chapeauter ce panel de patrons wallons. Mais il ne faut pas y déceler un geste de mauvaise humeur ni un signe quelconque d’embarras lié à la tournure prise par les événements. Programmée de longue date, la mission économique wallonne en Chine relève de la pure routine.  » Business as usual, commente Philippe Suinen, administrateur général de l’Awex. Nos clients ne nous demandent pas de déclaration politique. La mission programmée est strictement commerciale.  » Point barre. On imagine que le partenaire chinois entend bien qu’il en soit ainsi.

Pareille mission n’autorise pas d’états d’âme. Un patron qui se rend en Chine, c’est pour discuter affaires. Et non plaider la cause des droits de l’homme. On ne mélange pas les genres. Pieter Timmermans, directeur général de la FEB, revenu d’une mission de reconnaissance du marché chinois, a constaté que la consigne était respectée à la lettre :  » Les chefs d’entreprise vont en Chine pour vendre leurs produits. La distinction est très nette entre business et politique.  » Les hommes d’affaires sont d’autant moins enclins à aborder tout sujet qui fâche que les Chinois ont la réputation d’être coriaces en négociations et d’avoir la dent dure.  » Ce ne sont pas des partenaires faciles. Une fois qu’on a gagné leur confiance, ils ne l’oublient jamais « , poursuit Pieter Timmermans. C’est tout aussi vrai lorsqu’on trahit cette confiance. Et les milieux économiques belges y regarderont à deux fois avant de contrarier un client aussi prometteur…

A l’ère de la globalisation, l’argent n’a pas d’odeur

Les hommes d’affaires n’ont d’yeux que pour ce nouveau géant de l’économie mondialisée. Pas plus tard qu’en juin dernier, le prince Philippe foulait pour la troisième fois le sol chinois à la tête d’une imposante mission économique. La délicate question du respect des droits de l’homme en Chine avait été évacuée des sujets de conversation. L’héritier du trône avait devancé l’arrivée de la délégation belge en rencontrant les responsables de l’organisation des JO de Pékin et en signant un élément de la monumentale représentation des anneaux olympiques, £uvre d’Olivier Strebelle, offerte par la Belgique à Pékin.

Le vent de contestation du régime chinois qui fait vaciller la flamme olympique ne modifie en rien le ton conciliant adopté par les patrons occidentaux vis-à-vis de leurs partenaires chinois. A l’ère de la globalisation, l’arme d’un boycott des Jeux olympiques, utilisée en 1980 à Moscou pour protester contre l’invasion soviétique en Afghanistan, ne pourrait plus être dégainée sans des effets autrement plus dévastateurs sur l’économie.  » Le niveau d’intégration économique avec l’Union soviétique n’était en rien comparable. Aujourd’hui, tout le monde se tient. Les relations d’interdépendance économique sont telles que, si l’un lâche l’autre, tout s’écroule « , relève Christian Vandermotten, professeur de géographie à l’ULB.

La distance affichée et assumée par les chefs d’entreprise wallons par rapport aux remous actuels autour des JO traduit une volonté de ne surtout pas commettre de faux pas. La réaction de ce patron, qui sera du voyage en Chine, en témoigne :  » Nous n’avons pas de point de vue particulier à avancer au sujet des relations avec la Chine. Nous nous rendrons en Chine avec humilité et dans un esprit d’écoute et d’échange.  » Il n’en dira pas davantage. C’est ce qui s’appelle marcher sur des £ufs.

Pierre Havaux

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