Cher brocanteur liégeois,

Ces quelques lignes pour vous apporter mes encouragements pendant les journées difficiles que vous devez vivre en ce moment. La presse s’en est faite l’écho : ayant trouvé, en vidant un grenier, quatre kilos de plastic en mesure de tout faire sauter à 100 mètres à la ronde, vous vous êtes décidé à les vendre. Car, après tout, quand on est brocanteur, c’est pour brocanter.

Hélas, le marché à peine commencé, un visiteur a repé- ré votre promo de la semaine. Il est allé aussitôt avertir les policiers, qui ont saisi tout le bazar, en vous expliquant que la cargaison aurait pu exploser à la moindre onde GSM. Ce qui prouve une nouvelle fois à quel point il est dangereux de laisser n’importe qui manipuler ce genre de chose. Oui, qu’attend-on pour contrôler plus sévèrement l’usage du téléphone portable ?

Depuis, vous êtes en prison. Et vous voulez que je vous dise ? C’est une honte ! Alors que la Wallonie compte tellement de malheureux qui tendent la main pour recevoir l’aumône de l’assistance publique, vous avez, vous, lancé votre petite entreprise. Vous avez compris que la dignité d’un homme, c’était son travail, même si celui-ci impliquait la mise à disposition auprès du public de produits capables de créer des feux d’artifice inoubliables.

Evidemment, les autorités ont eu beau jeu de répliquer que l’explosif aurait pu tomber entre des mains coupables : chez des terroristes. Pis : chez André Antoine, désireux d’en finir, une fois pour toutes, avec M. Sagawé. Absurdités que tout cela ! Parce que les terroristes n’ont pas besoin de faire les brocantes pour se procurer leur petit nécessaire : notre pays n’est pas pour rien la plaque tournante du commerce des armes. Quant à André Antoine, il ne se promène pas souvent à Liège à 6 heures du matin. Mais, s’il avait su, il se serait sûrement levé plus tôt pour aller y faire son shopping.

C’est ainsi que, petite touche par petite touche, se dresse le tableau d’un pays qui semble avoir définitivement largué les amarres de la raison raisonnable pour voguer allègrement dans la mer du Grand N’Importe Quoi. Un pays où les explosifs sont en super-promotion cette semaine. Un pays où il faut six mois pour former un gouvernement qui en tient trois. Un pays où les femmes jugées assez laides gagnent le droit de se montrer nues à la télé avant de se faire charcuter après une page de pub…

Notez, le bon côté des choses, c’est que, si les extraterrestres captent nos émissions télé, ça risque de les dégoûter de vouloir nous envahir. Et ça, ça tombe plutôt bien : on vous a justement saisi les explosifs avec lesquels vous comptiez les accueillir. l

de marc oschinsky

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