Changer : seul ou ensemble ?

Pour changer le monde, il faudrait commencer par se changer soi-même. Et donc se remettre en question.

Pierre André, Rixensart (par e-mail)

 » Changer le monde …, se changer soi-même…« , voilà deux expressions dont nous usons en toute bonne conscience lexicale, si je puis dire. Ne s’agit-il pas d’un même type d’action puisqu’on use du même vocable? Et son évidence paraît aller de soi.

C’est là que le bât blesse. Le terme est trop neutre, il est d’une certaine façon hypocrite. Il laisse croire que son usage, donné une fois pour toutes, est pareil dans toutes ses occurrences. Changer, n’exprime-t-il pas le mouvement dans ce qu’il a de plus ordinaire, de plus mécanique, de plus prévisible? On change de saison, d’habit, on zappe d’une chaîne à l’autre, on change d’adresse, on change de train … ou de mode. Il n’est pas évident qu’il s’agisse de la même action que dans le cas qui nous occupe. Dans les exemples donnés, une personne dans son quotidien est concernée sans pour autant modifier l’ordre des choses.

Où réside le problème ? Dans l’absence de contenu du verbe  » changer« . Dans l’ordinaire de la vie, point n’est besoin d’avoir des raisons fortes pour changer. Les choses vont et viennent. A tout prendre, seul l’individu est pris en compte.

A contrario, pour changer le monde, il faut qu’un grand nombre de gens s’y mettent, qu’ils en ressentent l’urgente nécessité, à la fois pour eux mais pour les autres aussi. Ici,changer consiste – socialement – à s’imprégner d’une vision critique de l’état présent et à proposer la solution neuve. Autrement dit,  » changer le monde » consiste à agir politiquement – bien ou mal – comme au-delà de soi. C’est un effort collectif où l’individu peut être mû par des motifs positifs (générosité, désintéressement …) ou au contraire négatifs (ambition, haine … ) tout en sachant que la réussite dépend du poids des autres. Il faut donc, quand on prétend changer le monde, développer une théorie et proposer une méthode propre à la faire partager par autrui. Tel est le souci, et le comportement, de ceux qui sont préoccupés par le destin de la société plutôt que par le désir de modifier plus ou moins profondément leur for intime. C’est pourquoi ceux qui (se) proposent de changer le monde expriment ce désir à partir de la puissance d’une idée plus que d’un sentiment. Bref, nul ne peut vouloir changer le monde, ou y participer, s’il n’est déjà – intellectuellement – persuadé de l’importance qu’il y a de le faire.

Reste à comprendre pourquoi certains se satisfont de l’état du monde (ou s’y résignent) et d’autres pas. Par un effort de rationalité ou par un élan de moralité? C’est là une autre histoire.

Jean Nousse,

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