Ceux qui croient au complot

Pour nombre de Français, DSK serait victime d’un coup monté. Mais qui faut-il incriminer ? Les internautes ont leurs théories et les sociologues, les leurs.

Incroyable. Tellement invraisemblable qu’une majorité de Français a cru à une machination en apprenant les déboires de DSK : 57 %, précisément, selon un sondage BVA. Et ce n’est pas la dernière  » révélation  » du député PS Claude Bartolone – en avril dernier, DSK lui aurait confié que les Russes voulaient le  » virer du FMI  » – qui va les faire changer d’avis. Car, si cet événement n’a pas déclenché la grande roue de la  » complotite « , il s’enracine dans un terreau commun à toutes les rumeurs : celui du doute, caractéristique de l’époque. Des exemples ? De nombreux internautes, y compris sur le site de L’Express, avancent l’explication suivante : DSK aurait loué les services d’une call-girl censée jouer les soubrettes et l’aurait confondue avec une  » vraie  » femme de chambre, arrivée pile à ce moment-làà D’autres incriminent Wall Street, qui verrait, paraît-il, d’un très mauvais £il les efforts menés par l’ancien dirigeant socialiste pour réformer le FMI.

 » Dans une société où les informations « tombent » en vitesse réelle sans aucune hiérarchie, l’incrédulité domine, avant de succéder au besoin de trouver une explication « , souligne Véronique Campion-Vincent, auteure de La Société parano (éd. Payot). Le doute, si constitutif de notre culture cartésienne,  » s’est substitué, sous sa forme négative, au principe de certitude qui, de la religion au communisme, a longtemps structuré nos sociétés « , ajoute le sociologue Philippe Corcuff, maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Lyon.

Un questionnement  » autodévorant  » en quelque sorte, alimenté par l’individualisme de notre société actuelle, qui voit dans tout événement le résultat de l’action d’une personne, et non les conséquences d’un système. Ce phénomène touche aussi bien les classes populaires que la population aisée et informée. Avec, chez cette dernière, la conviction d’être  » plus maligne  » que le système et, donc, d’échapper à la manipulation qui gangrènerait l’ensemble de la société. Dès lors, plus les faits viennent contrecarrer cette vision manichéenne et plus ils renforcent, chez certains, la conviction que la société n’est que mensonges et leurres en tous genres, au profit des puissants. Autant dire qu’il se trouverait encore bien des esprits soupçonneux pour nier les faits, même en cas de culpabilité reconnue de Dominique Strauss-Kahn.

VINCENT OLIVIER

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