Cet écart salarial, de combien est-il finalement ?

Ettore Rizza
Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

 » On est dans un dérapage salarial de 16 %, non pas avec la Chine, mais avec notre voisin allemand.  »

Administrateur délégué de BECI (Brussels Enterprises Commerce & Industry), l’organisation patronale bruxelloise, Olivier Willocx a surtout fait parler de lui la semaine dernière à cause de son président, Thierry Willemarck, partisan du  » coup de pied au c…  » comme méthode éducative pour certains jeunes issus de la  » population maghrébine « . Mais le patron des patrons bruxellois était également invité dimanche sur le plateau de Mise au Point, où il a évoqué à son tour ce fameux handicap salarial de 16 % avec l’Allemagne (la différence de coût horaire entre travailleurs belges et allemands). Les syndicats contestent ce chiffre. Nous avons déjà abordé brièvement cette polémique dans notre numéro du 18 octobre, dont le sujet principal était :  » Politiques, syndicats, FEB… comment ils nous mentent avec les chiffres.  » Ce qui nous a valu un courrier de Pieter Timmermans, administrateur délégué de la Fédération des entreprises de Belgique, blessé d’avoir été présenté comme un menteur (lire également page 96). Qui a raison, qui a tort ?

DIFFICILE DE TRANCHER Syndicats et patronat partent du même rapport : celui remis au gouvernement en juin dernier par le GECE, Groupe d’experts Compétitivité et Emploi, un panel composé de spécialistes issus de la Banque nationale, du Bureau du Plan et du Conseil central de l’économie (1). C’est leur lecture des chiffres qui diffère totalement. La FEB, comme les autres fédérations patronales, se base sur le coût salarial horaire 2010 évoqué dans l’étude. Elle en retient que ce coût était de 39,6 euros en Belgique contre 34 euros pour la moyenne pondérée des trois grands pays voisins (Allemagne, France, Pays-Bas). Ce qui donne bien une différence de 16,5 %, et même de près de 23 % avec l’Allemagne. Le chiffre belge effectue une moyenne non pondérée entre 21 branches de l’économie. Problème : 17 autres branches n’ont pas été prises en compte, notamment l’agriculture, le non-marchand ou encore, la fonction publique. Des secteurs qui représentent tout de même près de la moitié de l’emploi en Belgique !

Comme toutes les moyennes, celle-ci présente par ailleurs d’importantes disparités entre secteurs. Par exemple, les coûts salariaux belges sont très supérieurs à ceux des voisins en cokéfaction et raffinage (76,9 euros contre 56,5), mais inférieurs dans trois domaines : réparation et installations de machines et instruments, fabrication d’équipement électrique et télécommunications.

Les syndicats, eux, se sont surtout intéressés au tableau page suivante, à partir duquel les experts déduisent que la productivité belge dépasse celle des voisins dans plusieurs secteurs clés.  » Parmi les 18 branches où le niveau relatif de coût salarial est supérieur en Belgique, 10 branches connaissent un niveau relatif de productivité nominale supérieure qui le compense « , indique le rapport. Ce à quoi le patronat réplique que cette productivité est due à une robotisation accrue causée par… l’importance des coûts salariaux en Belgique. Ce à quoi le président du PS, Paul Magnette, a rétorqué, le 22 octobre dans La Libre, que cet écart est bien inférieur si l’on tient compte des subsides salariaux. Bref, le débat est loin d’être clos. Et le GECE évite soigneusement de le trancher de manière catégorique.

(1) goo.gl/5pj1Lo

Ettore Rizza

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